Ils ont tué les dix petits nègres !

Bon ! Agatha Christie les avait déjà occis un par un ; mais là, ils les tuent à nouveau !

Et donc le roman « Les dix petits nègres » va dorénavant s’appeler « Il étaient dix » ; le titre original de ce best-seller mondial qui est aussi le plus grand succès d’Agatha Christie, est pourtant Ten little niggers (1). Et le titre n’est pas le seul à changer ; le mot ‘nègre’, utilisé des dizaines de fois dans la traduction initiale (et 74 fois dans le manuscrit original – 1938 – d’Agatha Christie), a été supprimé de la nouvelle version.

En la demeure, la France fait figure de retardataire : le changement de titre a été fait depuis des années dans les pays anglo-saxons. Aux USA, le titre a même été changé en ‘Il n’en resta aucun’ dès 1940 ! Agatha Christie avait accepté ce changement non pas sous la pression des noirs (à l’époque, ils n’avaient pas voix au chapitre) mais sous celle des blancs qui n’acceptaient pas que les personnages du roman, tous blancs, puissent être assimilés à des ‘nègres’.

Et maintenant en fait, il ne s’agit que de s’aligner sur les autres éditions nationales, anglaises et américaines notamment.

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Le but de ce changement est, nous explique-t-on, de ne pas blesser. Soit (avec un profond soupir) !

Je ne peux cependant m’empêcher de voir ici une nouvelle expression dans notre pays de la dictature et du totalitarisme du politically correct qui est d’inspiration communautariste et est en contradiction avec l’universalisme de la République Française. Universalisme que d’ailleurs, nous sommes en droit d’interroger, d’enrichir, de continûment construire ; y compris – et peut-être surtout – lors de tels débats. Mais là n’est pas mon propos.

Non ! Mon but est que la France aille plus loin, qu’elle soit un véritable précurseur dans ce domaine !!!

Il faut reconnaître toutefois que nous avons déjà bien commencé. Ainsi, en littérature, les écrivains n’ont plus de ‘nègre’ ; ils ont des ‘prête-plume’. Je ne sais pas si, pour ces derniers, cela change grand-chose.

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Nègre ! Il y a des milliers de personnes dont le nom de famille est Nègre. Vous imaginez la scène : deux personnes se rencontrent et se présentent ; « – Bonjour, mon nom est Nègre, James Nègre. – Aah ! Je suis blessé ».

Il faut que tous les Nègre de France… ; pardon. Il faut que toutes les personnes en France dont le nom de famille est Nègre – qu’elles soient (par ordre alphabétique) blanches, jaunes, noires, rouges, vertes, violettes à petits points fuchsia – changent de nom. Pour cela, il faut ajouter à la liste des intérêts légitimes qui justifient un changement de nom patronymique, le fait d’avoir un nom qui peut blesser autrui. D’ailleurs, pour les personnes ayant un tel nom, le changement ne devrait-il pas être OBLIGATOIRE ? Et quid de tous les noms dérivés de Nègre : Nègri, Nègro, Gouttenègre, Nègrevergne, Foretnègre, Vergnenègre… ? (2) Il faut se poser la question.

Nous avons aussi le cas de toutes les personnes non noires qui s’appellent Noir (ou Lenoir, Noiret, Nouar, Néri, Bouchenoir, Terrenoire, Marchenoir, Noirbusson, Crétinoir…). Et de toutes les personnes non blanches qui s’appellent Blanc (ou Blanche, Blanchet, Blanco, Blanchon, Blanchot, Blancheton, Blanchetière, Blanchemain, Blanchemanche…). Et nous avons encore les patronymes Jaune, Marie-Jaune, Rouge, Rouget, Rougeventre, etc., etc…

Je n’ose imaginer certaines présentations : «  – Je vous présente votre nouveau collègue, Madame Noir, Madame Jane Noir. – aah ! (au fond de l’open-space). Il faut donc que toutes ces personnes changent aussi de nom !

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Nous avons aussi un certain nombre de mots toponymiques sur lesquels il faudra nous interroger. Là, les canadiens nous ont devancé !

Dans l’Ontario, il a été décidé il y a une quinzaine d’années de renommer tous les noms géographiques et tous les noms de lieux contenant le mot ‘squaw’, une soixantaine en tout, ce mot ayant été jugé blessant / offensant (3). Même si le processus n’est toujours pas arrivé à son terme, nous pourrons nous inspirer du processus mis en place : propositions de noms par le public, filtres par diverses instances locales et choix entériné par une commission ad hoc. Juste une parenthèse pour indiquer que le nom ‘politically correct river’ n’a pas été retenu.

Au Québec aussi, suite à une décision de 2015, ce sont les lieux contenant ‘Nègre’ et ‘Nigger’ (une dizaine) qui vont être renommés. Le processus est en cours. Mais à noter qu’ailleurs au Canada, les noms publics contenant le mot ‘nègre’ ont déjà été tous changés.

Personnellement, en France, j’ai en tête le Cap Nègre dans le Var, l’oppidum de Teste-Nègre (en provençal Tèsto-Negro) près de Marseille et la ville de Nègrepelisse dans le Tarn-et-Garonne. Mais il y en a certainement beaucoup d’autres [ Merci de me dire si vous en connaissez d’autres que je complète cet article ]

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Et puis, bien sûr, nous avons un pays dont le nom devra d’autant plus être revu qu’il est candidat à une adhésion à l’Union Européenne : le Monténégro. Je pense qu’il convient que, dès maintenant, nous commencions à réfléchir comment le nommer.

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Et il y aussi (merci Françoise pour ce complément) une pâtisserie : la « Tête de nègre ». Mais les commerçants utilisent souvent déjà d’autres appellations telles que ‘merveilleux’, ‘boule meringuée au chocolat’, ‘boule choco’, arlequin’. Puis-je ajouter que pour bien réussir cette recette, il faut ‘fouetter les blancs’ vigoureusement pour qu’ils montent bien en neige !

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(1) Il est sans doute utile de rappeler que le titre original de ce livre écrit en 1938, fait référence à la comptine Ten Little Niggers, qui est l’adaptation britannique de la chansonnette Ten Little Indians.

(2) Merci au site de recherche généalogique : http://www.filae.com

(3) Dans la littérature américaine, le terme squaw est utilisé depuis le 16e siècle pour désigner les femmes amérindiennes. Mais, tout comme cela a été le cas pour le mot ‘nègre’, il a pris au fil du temps, une connotation péjorative et est devenu injurieux.

Les compagnies pétrolières disent vouloir développer les énergies renouvelables. Peut-on les croire ? Peut-on leur faire confiance ?

Les compagnies pétrolières dites ‘majors’ disent vouloir développer fortement les énergies renouvelables, les énergies non carbonées. Ils veulent en finir avec la réputation de pollueurs qui est la leur et devenir des acteurs globaux de l’énergie. Peut-on les croire ? Peut-on leur faire confiance ?

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La crise économique qui a fait suite à la crise sanitaire liée au Covid 19, n’a pas épargné les compagnies pétrolières et gazières ; loin de là !

     [   Mais avant d’aller plus loin dans notre interrogation et pour bien en comprendre les enjeux, deux précisions sont nécessaires.

Tout d’abord, il faut préciser que le terme ‘compagnies pétrolières’ recouvre un grand nombre de sociétés très diverses.

– Il y a d’abord les 5 majors : le hollandais Royal Dutch/Shell, les américains Exxon Mobil et Chevron, le britannique BP et, last but not the least, le français Total. Ces entreprises privées se caractérisent par leur présence sur tous les continents et par le fait que leurs activités couvrent toute la chaine pétrolière et gazière (exploration, extraction, raffinage / transformations, stockage et transport des produits, distribution). Ce sont ces compagnies dont il va être question dans cet article.

– Il y a ensuite les compagnies nationales détenues par quasiment tous les pays producteurs de pétrole ; elles gèrent la production nationale et, pour certaines d’entre elles, opèrent dans d’autres pays que le leur, concurrençant ainsi les majors. Elles détiennent environ 95% des réserves mondiales de pétrole et de gaz.

– Enfin, il y a des myriades d’autres sociétés gravitant dans ce monde du pétrole et du gaz ; en particulier des compagnies indépendantes de plus petite taille que les majors (on peut citer ici le français Maurel & Prom, peu connu du grand public) et les sociétés parapétrolières qui fournissent des services principalement pour l’exploration et l’extraction.

Il faut ensuite préciser qu’avant d’être une victime collatérale du coronavirus, le marché mondial du pétrole était secoué par une guerre mondiale des prix qui a été déclenchée par l’Arabie Saoudite et la Russie. Il n’est pas mon propos d’approfondir ce sujet, mais pour bien en montrer l’ampleur, considérons quelques chiffres :

– le baril de Brent de la Mer du Nord (l’un des principaux pétroles bruts servant de référence au niveau mondial) s’échangeait début janvier 2020 autour de 70 $ ; il est descendu en avril en dessous de 20 $. Aujourd’hui, les cours du baril de Brent tournent autour de 45 $.

– Et s’agissant du pétrole WTI (West Texas Intermediate), autre cours de référence du pétrole, alors que le prix de son baril était à plus de 60 $ dollars début janvier, le 20 avril 2020 il était… négatif ! Les opérateurs ont payé leurs acheteurs pour qu’ils les ‘débarrassent’ de leurs barils afin de ‘faire de la place’, les producteurs ayant tardé à réduire leur production dans un marché saturé, et pour limiter leurs coûts de stockage.   ]

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La crise économique a donc fortement touché les cinq compagnies pétrolières dites majors. Pour le deuxième trimestre 2020, les pertes qu’elles ont annoncées sont abyssales : 53 milliards de dollars soit environ 46 milliards d’euros ! Dont 8.4 milliards de dollars pour Total, notre ‘champion tricolore’.

La raison première de ces pertes catastrophiques est le ralentissement de l’activité économique au niveau mondial combiné à des prix bas, la faiblesse de la demande prolongeant et amplifiant la guerre des prix mentionnée ci-dessus. La demande en pétrole a en effet fortement chuté : de nombreux secteurs économiques – notamment le transport aérien – et industriels ont été quasiment à l’arrêt pendant plusieurs semaines.

Mais la principale composante en est les pertes dites ‘exceptionnelles’ liées à la révision opérée par ces entreprises de la valeur de leurs actifs – des biens inscrits à leur bilan. Il s’agit tout d’abord de leurs réserves pétrolières ; elles ont été évaluées sur un prix du pétrole en baisse notable et qui devrait le rester. Mais les majors ont aussi acté l’abandon de certains gisements, ceux dont l’extraction est la plus chère mais aussi ceux (parfois les mêmes) dont le coût en termes d’image est élevé ; leur valeur comptable qui se chiffraient parfois en centaines de millions de dollars, a été ramenée à zéro. Ou encore l’arrêt de certains investissements en cours dont la rentabilité à court et moyen terme n’est plus assurée. Ainsi, Total a procédé à des dépréciations exceptionnelles (c’est le terme consacré) pour 8.1 milliards de dollars incluant notamment l’abandon de l’exploitation de ses gisements canadiens de sables bitumineux dont l’extraction s’annonçait être une catastrophe écologique.

Mais les majors ont aussi acté dans leurs comptes, l’importance de plus en plus grande (et de plus en plus inquiète) portées par les populations aux problématiques liées au réchauffement climatique et l’accentuation de la demande de transition énergétique. Ils ont aussi tenu compte de l’amplification des risques et des menaces auxquels ils vont être confrontés. C’est pour eux, à terme, une question d’argent ; et de survie !

Les politiques visant à réduire les consommations d’énergie fossiles vont s’amplifier et la demande d’hydrocarbures va se réduire dans des proportions très notables ces prochaines années et décennies (BP prévoit une diminution de 40% à l’horizon 2030) ; les banques font l’objet de pressions pour qu’elles ne financent plus les programmes d’investissement portant sur les énergies fossiles et pour qu’elles se tournent vers les énergies décarbonées ; des pressions s’exercent aussi sur les banques centrales pour qu’elles excluent de leurs opérations de refinancement les prêts portant sur l’exploitation des énergies fossiles (pétrole, gaz, charbon) ; certains fonds d’investissement commencent déjà aujourd’hui à se détourner de ces financements- dans le contexte aussi, il est vrai, d’une demande de combustibles carbonés clairement et durablement orientée à la baisse…

Il est à craindre cependant qu’à (très) court terme, à l’instar de tous les grands groupes internationaux (et même nationaux), les majors n’utilisent le prétexte du Covid 19 pour conduire nombres de changements, nombres de restructurations ; et ceci à marche forcée et avec le minimum de négociations tant en interne (en particulier les salariés avec la volonté de réduire autant se faire que peut le coût de ces « ressources humaines » – i.e. en licenciant) que vis-à-vis de l’extérieur (états, sous-traitants, réseaux de distribution). Des réductions d’effectifs ont d’ores et déjà été annoncées par ces groupes.

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Mais dans le même temps, les majors ont pris des engagements à investir des milliards de dollars dans les énergies moins émettrices de gaz à effet de serre, dans les énergies à faible émission de carbone.

Il ne faut pas négliger le fait que depuis quelques années, les majors diversifient leurs activités dans d’autres secteurs que les hydrocarbures et investissent notamment dans les énergies renouvelables : Total dans le photovoltaïque où ses ambitions sont fortes, Royal Dutch Shell dans l’éolien, notamment en mer, BP dans le solaire et dans les bornes de recharge des véhicules électriques…

Du greenwashing ? Très certainement jusqu’à peu. Mais cela peut devenir, cela est en fait devenu une impérieuse nécessité pour le long terme pour ces compagnies pétrolières.

Les majors – pour être précis, leurs dirigeants et leurs actionnaires – n’effectuent pas ce changement radical de cap parce qu’ils sont convaincus ; ils le font parce qu’ils y sont contraints et forcés. Sinon, très rapidement, la valeur boursière des sociétés qui ne le font pas, va se dégrader (et, si je peux me permettre cette litote, leurs actionnaires ne seront pas contents). Et s’ils persistent à ne pas faire ce virage, ils ne survivront pas !

Mais ne soyons pas naïf. Tant qu’il y aura une demande de pétrole et de gaz, ces groupes se battront pour y répondre. Et le pétrole reste aujourd’hui (et demain) indispensable pour alimenter la croissance de la Chine, de l’Inde, des pays émergents.

Ne nous leurrons pas non plus. Les compagnies pétrolières continueront de pratiquer toutes les opérations – et toutes les ‘magouilles’ – permettant de ‘créer de la valeur’ pour les actionnaires : versement de dividendes, rachat d’actions, optimisation fiscale, corruptions plus ou moins discrètes, malversations diverses et variées, pratiques anti-concurrentielles, ‘conflits’ avec des populations locales…

Et nous pouvons être sûr que ces majors utiliseront toutes les possibilités légales pour que les états financent le plus possible leurs recherches. En France, Total utilisera autant se faire que peu le Crédit d’Impôt Recherches – CIR, le Crédit Impôts Innovation – CII, les subventions publiques, les avances remboursables, les commandes publiques, les partenariats de recherche…

Ceci, bien entendu, sans que les pratiques d’optimisation fiscale pratiquées à l’échelle mondiale par cette compagnie pétrolière ne soient remises en cause. Total est en effet régulièrement épinglé pour le faible niveau des impôts qu’il paye en France. Selon diverses estimations, ce groupe devrait payer 30 à 40 fois le montant dont il s’acquitte réellement.

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Il ne faut pas oublier non plus que les cours du pétrole et du gaz élevés favorisent la transition énergétique en rendant plus compétitives les autres sources d’énergie et en incitant les consommateurs à réduire leur consommation de combustibles fossiles. Des prix bas peuvent contrecarrer cette tendance.

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Alors oui ! On peut croire les compagnies pétrolières dites majors – je n’ose pas dire ces acteurs globaux de l’énergie – quand elles disent qu’elles veulent développer fortement les énergies non carbonées, les énergies renouvelables.

Mais je suis nettement plus réservé quant à savoir si on peut leur faire confiance. Ces majors travaillent avant tout pour eux-mêmes et non pas pour le bien commun. Il se trouve juste qu’aujourd’hui, les deux coïncident ! Tout simplement parce que, à plus ou moins longue échéance, c’est leur survie qui est en jeu.

Que ce soit en termes de respect de l’environnement et de réchauffement climatique mais aussi de pratiques sociales / sociétales et fiscales, il nous faudra donc rester très très très vigilant !

« Hidden Figures » : « Les figures de l’ombre »

Ce film très prenant raconte le destin exceptionnel de trois femmes en Virginie, dans l’Amérique du ‘sud profond’ ségrégationniste et raciste, pendant les années 1960. Trois femmes intelligentes, talentueuses, combatives et… noires.

Tout d’abord, il faut pointer dans le titre de ce film un jeu de mot que la traduction en Français ne montre pas. ‘Figures’ signifie aussi en anglais ‘chiffres’. Les chiffres cachés font ainsi écho à ces figures de l’ombre, ces calculatrices noires qui les manipulaient et à qui ce film rend hommage.

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Je ne veux pas faire ici la biographie de ces femmes et de la carrière qu’elles ont toutes trois menées à la NASA. Quelques mots toutefois, juste pour les présenter brièvement.

Katherine Johnson a travaillé à la NASA de 1953 à 1986. Elle était mathématicienne et était notamment spécialisée dans l’établissement des trajectoires des vols dans l’espace. Son nom a été donné au centre de recherche informatique du site de la NASA à Hampton, Virginie.

Dorothy Vaughan était mathématicienne et informaticienne. Elle a intégré la NASA (alors NACA) en 1943 dans une section de femmes mathématiciennes afro-américaines qui travaillaient séparées – ségréguées – de leurs homologues blanches. Elle en prendra la tête quelques années plus tard ; c’était la première fois qu’une personne noire prenait la direction d’un service à la NASA. Elle se dirigera ensuite vers les services informatiques et y travaillera jusqu’en 1971.

Mary Jackson est entrée à la NASA en 1951, en tant que mathématicienne également. Quelques années après, elle reprendra des études et, malgré les obstacles, deviendra la première femme noire d’Amérique – et de la NASA – ingénieure en aéronautique. Se heurtant au plafond de verre empêchant les femmes d’atteindre certaines fonctions, elle s’oriente en 1979 vers les services administratifs où elle travaillera dur pour avoir un impact sur l’embauche et la promotion des femmes à la NASA. Elle y est restée jusqu’à son départ, en 1985. Le bâtiment du siège de la NASA à Washington porte son nom.

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Dans le film, l’évolution de ces trois femmes est avant tout un combat personnel et, d’une certaine façon, individualiste. Même si Dorothy Vaugham dit bien que : « chaque avancement est un avancement pour nous toutes ».

Il ne faut pas occulter que dans leur vie, elles ont lutté pour l’égalité des individus, quelle que soit la couleur de leur peau ou leur sexe. Mary Jackson dans son dernier poste occupé à la NASA a œuvré pour les conditions d’emploi et d’avancement des femmes de toutes couleurs ; Katherine Johnson et Dorothy Vaughan ont été des membres actifs de la première société universitaire créée par et pour les femmes afro-américaines ; Mary Jackson a encadré des scouts pendant plus de 30 ans…

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Ce film raconte le combat de ces trois femmes pour se faire reconnaitre et s’imposer dans un univers dominé par les préjugés raciaux et machistes. Monde dans lequel les femmes peuvent se révéler pires que les hommes ; à regarder attentivement le comportement de Vivian Mitchell, emmurée dans ses préjugés mais qui, comme d’autres, les remet en cause et les fait évoluer au fil du temps.

Nous sommes en effet dans le sud des Etats-Unis, en Virginie, état ségrégationniste à l’époque racontée. On voit bien ce racisme ordinaire et institutionnalisé tout au long du film. Celui qui fait qu’une femme noire entrant dans un bureau ne peut être là que pour vider les poubelles !

Racisme ordinaire au travail où les toilettes pour les blancs et les ‘personnes de couleur’ sont séparées tout comme le sont les cafetières ; ou encore les employés lorsqu’ils sont rassemblés en l’honneur des futurs astronautes. Dans la ville où les fontaines à eau pour les blancs sont distinctes de celles pour les noirs et où l’avant des bus est réservé aux blancs et l’arrière aux noirs. Dans l’éducation où il faut l’autorisation d’un juge pour que Mary Jackson puisse suivre des cours du soir qui se déroulent dans un lycée réservé aux blancs (« mais seulement les cours du soir » a précisé le juge).

Ce climat ségrégationniste en arrive à inhiber ceux qui en sont les victimes et qui fait qu’ils en viennent à entretenir une pensée et un discours auto-discriminatoires, auto-dévalorisants, auto-limitateurs. A preuve ce dialogue que je trouve très révélateur entre Mary Jackson et le directeur de son unité (version imaginaire de son mentor dans sa vie) qui l’informe d’un cursus d’ingénieur qu’elle devrait suivre :

– « Mr Zielinski, I am a negro woman. I’m not gonna to entertain the impossible (je suis une négresse – traduction littérale ; dans la traduction plus politiquement correcte, il est dit : je suis une femme noire. Je ne vais pas espérer l’impossible) ;

And I’m a Polish jewish whose parents died in a nazi prison camp. […] If you were a white man, would you like to be an engineer ? (et moi, je suis un juif polonais dont les parents sont morts dans un camp nazi. […] Si vous étiez un homme blanc, souhaiteriez-vous être ingénieur ?). »

I won’t have to. I’d already be one (Je n’aurais pas besoin de le souhaiter. Je le serais déjà). »

Le machisme au quotidien se déploie dans toute sa banalité, toute sa bêtise et toute sa petitesse. Une femme ne peut pas faire certaines choses car c’est inimaginable qu’une femme puisse le faire. Une femme ne peut pas mettre son nom sur un rapport scientifique à côté de celui d’un homme (blanc de surcroit). « Il s’agit d’une femme et il n’y a aucun protocole qui permette qu’une femme assiste à une réunion du Pentagone » comme le dit son chef direct pour y empêcher sa participation. Une femme ne peut pas reprendre des études pour avoir un diplôme réservé aux hommes, surtout si elle est noire.

Nous plongeons aussi dans la NASA au moment où la guerre entre les USA et l’URSS pour la conquête de l’espace, la compétition pour « toucher les étoiles » battent leur plein. On saisit bien la fièvre de tous ces mathématiciens, ingénieurs, physiciens, scientifiques mais aussi de toute l’Amérique dans cette course.

Nous voyons en direct les conséquences du progrès scientifique quand une innovation rend inutile toute une classe d’employés ; « le progrès est une arme à double tranchant » est-il rappelé. Ici, quand l’arrivée de l’ordinateur (computer en anglais) permet de se passer des calculateurs (computer en anglais) ; en fait des calculatrices noires mais aussi blanches qui savent cependant se reconvertir, comme Dorothy Vaughan et ses collègues du « West Area Computing Unit » dans l’informatique. Quoique ! La fiabilité des premiers ordinateurs n’a pas permis de se passer tout de suite des mathématiciennes calculatrices comme Katherine Johnson.

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Ce que ce film montre aussi, c’est que derrière quelques noms célèbres (ici, John Glenn et Alan Shepard), ce sont des centaines d’hommes et de femmes qui se sont mobilisés, chacune et chacun contribuant à l’œuvre commune. Beaucoup de figures de l’ombre en fait !

A voir donc ce très beau film qui aujourd’hui, dans ce contexte où le racisme sous toutes ses formes et toutes ses conséquences sont mis sous le feu des projecteurs, prend une résonnance particulière. Les choses peuvent changer dans les faits et dans les mentalités ! Les choses doivent changer ! Et ces trois femmes exceptionnelles montrent que c’est possible.