Faisons du 7 mars 2023 une grande journée de partage et de joie

.

L’appel du Mahatma Gandhi d’avril 1919 à ce « que le peuple entier de l’Inde suspende toute activité le jour venu et jeûne et prie durant 24 heures » est à l’origine d’une des plus grandes grèves que l’Inde, alors sous domination anglaise, ait connue. Cette « Journée de prière et de jeûne », l’une des toutes premières que Gandhi lança, a totalement paralysé l’Inde entière. Ainsi qu’il l’écrit aussi dans son « Autobiographie ou mes expériences de vérité », « l’Inde entière, d’une extrémité à l’autre, villes et villages, observa un ‘hartâl’ complet ce jour-là. Ce fut un spectacle des plus extraordinaires » .

Pourquoi le 7 mars 2023 ne ferions-nous pas « une journée de partage et de joie » ?

Le principe ? Ce jour-là, réunissons-nous, dans chaque ville, dans chaque village de France, sur les places importantes et/ou sur des lieux « stratégiques », pour partager, créer du lien, échanger, chanter, rire, danser… Pour organiser à midi un immense pique-nique.

Réunissons-nous que nous soyons jeune ou vieux, que nous soyons salarié, commerçant, artisan, entrepreneur, chef d’entreprise, agriculteur, retraité, chômeur ou sans-emploi ; que nous soyons seul, en famille, entre amis, avec des collègues.

Réunissons-nous dans un esprit de fraternité et de non-violence.

Bien sûr, s’ils le peuvent, pour une heure, pour une demi-journée, pour toute la journée, les salariés et les fonctionnaires cesseront le travail ; les étudiants et les lycéens, tout comme leurs professeurs, déserteront les salles de cours ; les commerçants baisseront le rideau de leurs magasins ; les artisans n’iront pas sur leurs chantiers ; les agriculteurs délaisseront leurs champs.

Bien sûr, les axes importants longeant ces divers lieux seront occupés par la foule. Et filtrés ou bloqués !

.

Le peuple de France doit dire ‘non’ à ce gouvernement. C’est son droit ! C’est son devoir !

L’article 35 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen du 24 juin 1793 ne dit-il pas : « quand le gouvernement viole les droits du peuple, l’insurrection est, pour le peuple et pour chaque portion du peuple, le plus sacré des droits et le plus indispensable des devoirs ».

C’est notre droit et notre devoir de dire ‘non’ à ce gouvernement qui viole nos droits et hypothèque notre avenir à tous.

C’est notre droit et notre devoir de dire ‘non’ à ce gouvernement qui ne fait que vénérer et adorer le dieu ‘Marchés’ et ses apôtres ‘Dérégulations’, ‘Profits’, ‘Privatisation’, ‘Pouvoir de l’argent’, ‘Court Terme’, ‘Indifférence pour la Nature’, ‘Marchandisation’, ‘Plus-value’, ‘Optimisation fiscale’ (pour ne citer que ceux-là) et qui, ce faisant, sacrifient sur leurs autels, de plus en plus de nos concitoyens, leur bien-être immédiat et futur, leur développement et leur bonheur à moyen et long terme.

.

Le peuple de France dit ‘non’ à cette réforme des retraites injuste et brutale.

Le peuple de France dit ‘non’ à cette idéologie néo-libérale qui la sous-tend et où les intérêts égoïstes et à court-terme d’une petite minorité (ce ‘1%’) et où son enrichissement dans un effet cumulatif sans fin, entraînent l’appauvrissement et le déclassement des classes moyennes et laborieuses, et donc de l’immense majorité de nos concitoyens.

Le peuple de France dit ‘non’ à ce système où le taux de pauvreté augmente, où le nombre de travailleurs pauvres progresse, où la précarité et ses ravages touchent de plus en plus de gens de tous âges, où les conditions de travail sont de plus en plus pénibles, où le Code du Travail est continûment détricoté, où l’espérance de vie en bonne santé recule, où les injustices de toutes sortes sont de plus en plus nombreuses et flagrantes, où toutes les solidarités sont diminuées quand elles ne sont pas détruites, où les gens sont de plus en plus isolés, où…, où…, où…

Le peuple de France dit ‘non’ à tous ces crédos et à cette doxa qui conduisent à un affaiblissement systématique, quand ce n’est pas une destruction méthodique, de tous nos services publics ; puis à leur privatisation et à leur ouverture à la concurrence toujours synonymes (l’histoire le prouve) de recul de la qualité et de coûts supplémentaires pour les usagers et les utilisateurs. Cela pour tous nos services publics : l’éducation, la santé, la sécurité, la justice, les transports urbains et ferroviaires, l’énergie, l’eau, les télécommunications, le logement social, la culture… ; tous.

Le peuple de France dit ‘non’ à cette Europe qu’on nous impose aujourd’hui, celle des financiers et des marchands, celles des technocrates (non élus) qui obligent nos dirigeants (qui ne demandent que ça) à mener des politiques d’austérité sous toutes leurs formes au nom de critères aujourd’hui dépassés et dont l’objectif ne semble n’être que le nivellement par le bas.

Le peuple de France dit ‘non’ à ce crédo qu’il faut toujours plus produire pour toujours plus consommer ; et donc produire plus encore pour consommer encore plus… alors que l’urgence climatique (les rapports du GIEC sont pourtant assez explicites !) nous incite à produire autrement et à consommer différemment, voire nous en fait une obligation.

Le peuple de France dit ‘non’ à ces multinationales, généralement expertes de l’évasion fiscale, qui engrangent de colossaux superprofits et distribuent des dividendes considérables au lieu de bien rémunérer leurs salariés pourtant confrontés à une forte inflation et à des difficultés croissantes pour tout simplement se nourrir, se vêtir, se loger, se chauffer.

Le peuple de France dit ‘non’ à BlackRock qui veut la fin des retraites par répartition (notre système français) pour y substituer les retraites par capitalisation, sources pour lui d’encore plus de profits.

Le peuple de France dit ‘non’… à mille choses que, depuis des décennies, au nom d’une doxa qu’il rejette, ce gouvernement et les précédents lui imposent sans aucun souci de ses demandes légitimes ; ni de ses souffrances.

.

Faisons du 7 mars 2023 une grande journée de partage et de joie.

Faisons du 7 mars une journée où la devise au fronton de nos monuments publics résonne clairement, où chacun de ses trois mots s’exprime avec force et vive pleinement : Liberté, Égalité, Fraternité.

.

Finance Watch : Réduire les risques financiers liés au financement des énergies fossiles par les banques françaises

J’ai l’honneur d’être l’un des co-auteurs de cette étude de Finance Watch, organisation non-gouvernementale européenne, dont la vocation est « de contrebalancer le lobby de l’industrie financière ».

ICI le lien vers le rapport en anglais.

Ci-dessous son résumé en français.

PS : les grands esprits se rencontrent ! Cette étude rejoint dans ses préconisations, celles formulées par l’Institut Rousseau dans sa réponse à la consultation du Comité de Bâle en mars 2022. (à voir ICI sur ce blog ou LA sur le site de l’Institut Rousseau)

š  ==========================

1 350 milliards de dollars d’expositions aux risques liés aux énergies fossiles et une sous-évaluation des risques

Les instances de surveillance du secteur bancaire sont de plus en plus préoccupées par les liens entre les changements climatiques et la stabilité financière. Le financement bancaire du secteur des énergies fossiles se situe au coeur du problème : en effet, les énergies fossiles sont le principal facteur d’accélération des changements climatiques, et de nombreux actifs associés aux énergies fossiles (« actifs fossiles ») devront être abandonnés avant la fin de leur durée de vie économique (« actifs échoués ») pour assurer la transition vers une économie neutre en carbone.

Finance Watch estime que les 60 plus grandes banques du monde sont exposées à des risques d’un montant d’environ 1 350 milliards de dollars liés à des actifs fossiles dans leurs bilans. Cette somme colossale est supérieure au montant des actifs à risque (« subprimes ») auxquels étaient exposées les banques juste avant la crise financière mondiale, et les instances de surveillance constatent que les risques actuels liés aux énergies fossiles ne sont pas encore pleinement pris en compte dans les exigences de fonds propres des banques. Cela pourrait compromettre la solvabilité et la stabilité financière des banques lorsque les risques liés au climat deviendront de plus en plus concrets.

La manière la plus cohérente et la plus efficace d’y remédier serait d’adopter une mesure technique, qui fait actuellement l’objet d’un examen par les législateurs de l’UE et du Canada, et qui consisterait à ajuster les exigences en matière de fonds propres afin de tenir compte des risques accrus associés au financement des énergies fossiles. Il faudrait alors :

appliquer un coefficient de pondération des risques sectoriels de 150 % aux expositions des banques à des actifs fossiles

Pour mettre en œuvre cette mesure, les banques auraient besoin de fonds propres supplémentaires. Dans une étude publiée récemment, Finance Watch analyse les répercussions sur les banques de l’application d’un coefficient de pondération des risques de 150 %, et conclut que cette proposition pourrait être mise en œuvre sans compromettre la capacité des banques à accorder des prêts.

.

Fonds propres supplémentaires nécessaires au niveau mondial et en France

L’étude porte sur les 60 plus grandes banques du monde, parmi lesquelles les 22 plus grandes banques de l’UE en termes d’actifs, dont six sont françaises. On constate qu’en moyenne, l’application d’un coefficient de pondération des risques de 150 % aux banques actuellement exposées à des actifs fossiles exigerait une augmentation de leurs fonds propres équivalente à environ 3 à 5 mois de bénéfices de ces banques en 2021.

Le montant moyen des fonds propres supplémentaires s’élèverait à 2,69 milliards d’euros pour chaque établissement, ce qui équivaut à 2,85 % des fonds propres actuels des banques (au 31 décembre 2021) ou à 3,42 mois de leur bénéfice net pour 2021.

Les six banques françaises comprises dans cette étude – BNP Paribas, Crédit Agricole, Société Générale, BPCE / Natixis, Crédit Mutuel et La Banque Postale – ont un niveau global d’exposition aux énergies fossiles similaire à la moyenne mondiale mais supérieur à la moyenne européenne. À elles toutes, ces banques possèdent 125 milliards d’euros d’actifs fossiles dans leurs bilans, soit 1,31 % du total de leurs actifs, contre une moyenne de 1,05 % dans l’UE et de 1,47 % à l’échelle mondiale.

Cela signifie que les banques françaises devraient en moyenne mobiliser chacune 2,97 milliards d’euros de fonds propres supplémentaires, contre une moyenne de 2,69 milliards d’euros au niveau mondial ou de 1,36 milliard d’euros au niveau de l’UE, afin d’appliquer un coefficient de risque plus élevé à leurs actifs fossiles.

Compte tenu des bénéfices qu’elles ont dégagé en 2021, nous estimons que ces six banques françaises pourraient y parvenir en moyenne en 6,54 mois de bénéfices non distribués.

.

Conséquences pour les prêts

Dans les années qui ont suivi la crise financière mondiale, les banques ont été en mesure de mobiliser un volume important de capitaux sur 18 à 24 mois, sans pour autant réduire leurs prêts ni leurs actifs totaux, en ayant recours à la rétention de bénéfices et à l’augmentation de leurs marges de crédit.

Le capital supplémentaire requis dans le cadre de la présente proposition est beaucoup plus faible et équivaut, pour les banques françaises, à accumuler six mois de bénéfices non distribués, même si, dans la pratique, les banques disposeraient de plus de temps pour y parvenir, car ce type de mesure est généralement mis en œuvre progressivement sur de plus longues périodes.

En prévoyant une période de transition adaptée, il serait tout à fait possible pour les banques de combler le nouveau déficit de capital grâce à des bénéfices non distribués, sans compromettre leurs capacités à accorder des prêts, ce qui est important pour assurer une transition durable.

Cela n’empêcherait pas les banques d’accorder des prêts au secteur des énergies fossiles, mais elles devraient prévoir une prime de risque plus élevée pour ces prêts afin de tenir compte des risques qui y sont associés.

.

Conclusion

La révision législative en cours des règles prudentielles de l’UE pour le secteur bancaire – règlement et directive sur les exigences de fonds propres – est une occasion unique d’introduire une pondération sectorielle des risques pour l’exposition aux énergies fossiles. Les instances de surveillance devraient ensuite travailler en collaboration avec les banques pour mettre en place progressivement ces changements sur une période appropriée. Cette démarche est essentielle pour protéger les banques françaises contre les risques climatiques liés au financement du secteur des énergies fossiles et des bouleversements résultant de l’accélération des changements climatiques, sans pour autant réduire leurs capacités à accorder des prêts. 

Il faut une union de la gauche pour les prochaines élections législatives !

Fabien Roussel a proposé à Jean-Luc Mélenchon une union en vue des élections législatives. Ceci n’est qu’un des appels, certes le plus officiel, pour qu’une union de toutes les forces républicaines de gauche (je sais combien cette expression est imprécise mais…) se fasse. Appels qui sont de plus en plus nombreux et de plus en plus pressants, notamment de ‘simples électeurs’ consternés par le résultat de ce premier tour, inquiets pour l’avenir et qui refusent de se résigner. Certains pourtant expriment des doutes et des objections à ce rassemblement !

Je ne dis pas que du passé, il faut faire table rase ! Mais il y a des moments où travailler ensemble sur ce qui nous unit est bien plus important que de ressasser ses griefs et de ruminer ses rancœurs. Quelle est la réelle urgence ? A quel immense danger devons-nous faire face ?

Que ce soit Emmanuel Macron ou Marine Le Pen qui remporte le scrutin du 24 avril, que ce soit par un néolibéralisme autoritaire ou par une extrême-droite plus ou moins radicale, notre république et notre démocratie seront encore plus mal parties ; je peux presque écrire ‘seront encore plus en danger’ car elles sont déjà bien malades. Cela pour mille et mille raisons qui parfois divergent mais qui, souvent, se recoupent.

Dans les deux cas de figure, on risque d’assister à encore plus de recul(s) de la Liberté (et de nos libertés pour des raisons sanitaires, sécuritaires ou autres), de l’Egalité (avec un accroissement des inégalités dans les divers domaines de notre vie et de notre société) et de la Fraternité (avec encore plus de divisions, d’exclusions, de rejets sous les motifs les plus divers et les plus variés).

Les prochaines législatives constituent un moyen pour la gauche de limiter les dégâts ; il faut qu’il y ait le plus de députés de gauche possible au Palais Bourbon pour défendre nos valeurs !!! Il faut qu’il y ait le plus de députés de gauche possible pour influer, voire orienter, les textes débattus au parlement. On a trop vu ces cinq dernières années combien une majorité parlementaire pléthorique et ‘aux ordres’ ont complètement anesthésié, annihilé le processus démocratique ; le Parlement est devenu une simple chambre d’enregistrement et les députés de la majorité macroniste n’ont cessé de faire montre de morgue et de mépris vis-à-vis de leurs collègues de l’opposition, de toutes les oppositions.

Ainsi, que La France Insoumise / l’Union Populaire et le Parti Communiste, passant au-dessus de toutes les déceptions et les rancœurs, s’allient dès maintenant pour affronter ensemble cette échéance d’une grande importance est une excellente chose. Même si je ne suis pas dupe du calcul du Parti Communiste qui cherche aussi à ‘sauver’ ses députés et, à plus long terme, ses implantations locales.

Les programmes écologiques/climatiques de LFI et de EELV sont très proches. Tout comme ces deux partis sont très proches sur bien des sujets sociaux, sociétaux, économiques. Pourquoi n’y aurait-il pas une alliance pour porter ces combats à la Chambre des députés ? Une alliance gagnant-gagnant pour le plus grand bien de tous.

Le PS ?!? Je pense que certains au PS sont encore de gauche. Non pas les éléphants décatis et rancis et les squelettes ambulants dont les pensées et les idées sont gangrénées par le néolibéralisme le plus pur et le plus dur et qui se sont ralliés et se rallient sans vergogne à Emmanuel Macron. Mais des hommes et des femmes de terrain, souvent tristes des évolutions de leur parti et dont le cœur penche nettement vers des valeurs humanistes, sociales, environnementales…

Il nous faut unir ces différentes forces, au niveau national certes mais aussi et surtout au niveau de chaque circonscription. Nous devons le faire pour pouvoir choisir notre destin et pour qu’il ne nous soit pas imposé par un(e) président(e) dans lequel nous ne nous reconnaissons pas.

Nous éviterons ainsi un éparpillement des voix. Nous aurons alors une coalition des forces de gauche qui permettra d’avoir un poids à l’Assemblée Nationale, même si elle est répartie en plusieurs groupes.

L’échéance des élections législatives est hyper-super-extra-méga importante. Cette étape doit être la plus victorieuse possible. Elle doit constituer une première marche sur laquelle nous pourrons prendre solidement appui pour la suite.

.

.

.

PS : si ce billet vous plait, si de façon générale mes articles vous plaisent, n’hésitez pas à vous abonner à mon blog (cf. colonne à droite) pour être informé(e) de mes prochaines publications. N’hésitez pas non plus à le partager.

2% pour 2°C

Combien faudrait-il investir pour atteindre la neutralité carbone en 2050 ?

Gaël Giraud et 23 expertes et experts de l’Institut Rousseau (dont votre serviteur) ont travaillé pendant des mois à le quantifier, à chiffrer ‘ligne par ligne’ les investissements nécessaires. Le résultat ? 2%.

Il suffit de 2% du PIB pour limiter l’augmentation de la température à la fin de ce siècle dans les limites de l’accord de Paris.

Ce rapport est disponible sur le site de l’Institut Rousseau par ce lien :

https://institut-rousseau.fr/2-pour-2c-resume-executif/embed/#?secret=MaxEZ92wha#?secret=aFdBFPRVO2 https://institut-rousseau.fr/2-pour-2c-resume-executif/

Le crédit social à la chinoise s’impose-t-il subrepticement en France ?

.

Une définition qu’on peut donner du système de crédit social chinois est de dire qu’il s’agit d’un système de surveillance et de contrôle de la population, tant les personnes que les entreprises, visant à, soi-disant, améliorer la société en privant arbitrairement certains de ses membres de leurs droits fondamentaux s’ils ne répondent pas aux exigences et aux attentes décrétées autoritairement par le gouvernement.

Ce système se fonde sur un dispositif de surveillance généralisé s’appuyant sur la reconnaissance faciale, de gigantesques bases de données et l’Intelligence Artificielle. En 2021, on compterait en Chine la moitié du milliard de caméras de surveillance installée dans le monde (1). Soit 1 caméra pour 3 chinois !

La dystopie « 1984 » de Georges Orwell, ce cauchemar, est-elle devenue réalité ?

Cela, bien sûr, ne peut pas arriver dans notre monde occidental et en France en particulier. Jamais un système de surveillance, qu’il soit basé sur l’IA ou sur un vulgaire QR Code ne pourra exister dans notre pays.

.

Et pourtant !

Exactement comme en Chine pour ceux n’ayant pas une assez bonne note, les personnes ne disposant pas du bon QR Code ne peuvent pas prendre le train – mais peuvent s’agglutiner dans les bus et les métros.

Exactement comme en Chine pour ceux n’ayant pas une assez bonne note, les personnes ne disposant pas du bon QR Code ne peuvent pas aller au restaurant ou dans n’importe quel lieu culturel.

Exactement comme en Chine pour ceux n’ayant pas une assez bonne note, les personnes ne disposant pas du bon QR Code ne peuvent pas exercer certaines professions. Ou sont licenciées sans pouvoir bénéficier des mesures d’aides pour les personnes au chômage.

Exactement comme en Chine où ceux qui souhaitent gagner des points et améliorer leur note sont encouragés à dénoncer les comportements ‘inadaptés’, voire sont payés pour le faire (2), les dénonciations, les ‘mouchardages’, connaissent une explosion dans notre pays (3).

Pour certains, ici comme ailleurs, cela ne va pas même assez loin ! Et l’imagination pour « emmerder » ceux qui n’ont pas le bon QR Code est visiblement sans limite.

En France, certains voudraient que toutes les personnes sans le bon QR Code soient confinées chez elles et ne puissent pas bénéficier des allocations chômage (4).

Aux USA, le gouvernement américain voulait étendre la possession d’un QR Code valide aux salariés de toutes les entreprises de plus de 100 salariés. Cette décision a toutefois été retoquée par la Cour Suprême (5).

Au Québec, les personnes ne bénéficiant pas du bon QR Code pourraient se voir privées d’allocations chômage. Au Québec où des mesures particulièrement restrictives et coercitives touchant toute la population ont été mises en place : couvre-feu, rassemblements privés interdits, fermeture des restaurants, des lieux de culte, des commerces non-essentiels, des écoles (6). L’interdiction de la vente de l’alcool aux personnes n’ayant pas le bon QR Code est à l’étude (7). Par contre, l’idée d’instituer une taxe pour les personnes ne possédant pas le bon QR Code en raison, justement, de leur ‘non-possession du bon QR Code’ semble abandonnée (8).

La liste est longue : Italie (QR Code exigé dans les transports en commun, bus, métros, trains régionaux), Grèce (amende mensuelle pour les Grecs de plus de 60 ans n’ayant pas le bon QR Code), Lettonie (licenciement possible) … Mais aussi Philippines (arrestation de ceux qui ne respectent pas l’obligation de rester chez eux) et Singapour (hospitalisation en soin intensif à leur frais de ces personnes) … Mais mon but n’est pas de me lancer dans un long inventaire.

.

Mon but n’est pas non plus de polémiquer sur la pertinence de ces mesures au regard de l’efficacité des dits-vaccins qui nécessitent rappel sur rappel ni sur le fait qu’une grande majorité des habitants de notre planète ne sont pas vaccinés, permettant ainsi une libre circulation du virus ; virus qui circule d’ailleurs tout aussi librement dans les pays ayant des taux de vaccination élevés.

Ni sur le fait que la fin de l’utilisation du QR Code et autres mesures restrictives et privatrices de liberté – qui n’ont pas fait la preuve de leur réelle efficacité sanitaire – s’amorce : en Israël, en Grande-Bretagne, en Catalogne, en Norvège, en Suède, au Danemark…

Ni sur l’attitude de nos médias mainstream. Au Danemark, une éditorialiste s’interroge sur le fait de « ne pas avoir remis en question les données ni le récit du gouvernement concernant le Covid-19 » et que « pendant presque deux ans, nous – la presse et la population – avons été presque hypnotiquement préoccupés par le récit Covid quotidien des autorités » (9). Je n’arrive pas à imaginer une telle tribune dans Le Figaro, Le Monde ou Libération (par ordre alphabétique) ou sur Antenne 2, BFM, CNews ou TF1.

.

Non ! J’ai par contre une énorme interrogation qui porte sur le niveau d’acceptation de ces mesures par les populations de nos pays dits-démocratiques, sur leur soumission à ces règles souvent édictées en dehors de tout débat démocratique.

Et cela me fait irrémédiablement penser à Stanley Milgram et à son expérience sur la soumission à l’autorité.

Pour ceux qui ont une hésitation, je rappelle que cette expérience se présente sous le trait d’une expérimentation sur la mémoire. En cas de réponse erronée à une question, l’enseignant (le volontaire) doit envoyer une décharge électrique à un apprenant (en fait, un comédien) sous la supervision d’un technicien (un autre comédien) ; les décharges devant être de plus en plus fortes (et violentes) au fur et à mesure du déroulement de la séance et des réponses fausses de l’apprenant.

Environ deux-tiers des volontaires à cette expérience – parfois plus de 80% – déclenchent des chocs électriques d’un niveau spécifié comme dangereux puis à des niveaux supérieurs, potentiellement mortels.

Dans ses écrits, Stanley Milgram fait fréquemment référence au comportement de la plupart des Allemands sous l’Allemagne nazie. Il soutient aussi Anna Arendt quand, dans ses écrits sur le procès d’Adolf Eichmann, elle parle de l’abandon du pouvoir de penser pour ne plus qu’obéir aux ordres, de « la terrible, l’indicible, l’impensable banalité du mal ».

Ne sommes-nous pas dans une même configuration, certes moins extrême mais, toutes proportions gardées, similaire ?

Obéissance aveugle à l’autorité qu’elle soit légitime ou pas : le mode de gouvernance au sein d’un Conseil de défense dont les délibérations sont secrètes, interpelle dans une société démocratique ; la validation des décisions par une cohorte de députés LREM, MODEM et AGIR aux ordres, sans débat démocratique authentique et sans aucun respect des opinions et propositions contraires, interpelle tout autant.

Absence complète d’esprit critique et totale soumission, sans aucune réflexion propre, au récit délivré par les gouvernants. Soumission notamment fondée sur la peur et sur le rejet de l’ennemi – aujourd’hui, celui qui n’a pas le bon QR Code.

Absence de culpabilité quoi que nous fassions, même si c’est en conflit avec notre conscience, contraire à notre morale et notre éthique, opposé à ce que nous pensons être juste et ‘bien’, puisque « nous ne faisons qu’obéir à un ordre ».

.

Cela fait résonner encore plus cette citation d’Étienne de la Boétie : « les tyrans ne sont grands que parce que nous sommes à genoux ».

.

.

.

(1) https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/1425135/cameras-surveillance-masse-2021-rapport-chine-etats-unis-canada

(2) http://www.slate.fr/story/218793/ville-chine-heihe-encourage-delation-covid-recompense-argent

(3) https://www.francetvinfo.fr/sante/maladie/coronavirus/confinement-la-delation-represente-jusqu-a-70-des-appels-dans-certaines-grandes-agglomerations-selon-le-syndicat-alternative-police_3914689.html

(4) https://www.cnews.fr/videos/france/2022-01-14/non-vaccines-prives-dallocation-chomage-la-proposition-de-christian-estrosi

(5) https://www.reuters.com/article/usa-cour-supreme-vaccination-idFRKBN2JO0DE

(6) https://www.courrierinternational.com/article/sanctions-le-canada-sevit-contre-les-travailleurs-non-vaccines-contre-le-covid-19

(7) https://www.lapresse.ca/covid-19/2022-01-04/le-passeport-vaccinal-a-la-saq-et-la-sqdc.php

(8) https://www.lefigaro.fr/flash-eco/le-quebec-renonce-a-taxer-les-non-vaccines-pour-eviter-de-diviser-sa-population-20220201

(9) https://fee.org/articles/we-failed-danish-newspaper-apologizes-for-its-covid-coverage/

A la veille de la COP26, il faut rappeler que de nombreux rapports sur l’urgence climatiques sont disponibles

Ces derniers mois, ont été publiés de nombreux rapports, bilans, analyses, études qui documentent le réchauffement climatique et l’urgence à y faire face et qui proposent des changements à mettre en œuvre et des trajectoires à suivre. On ne peut toutefois s’empêcher de penser que nos dirigeants ne se les approprient pas dans les responsabilités qui sont les leurs et même n’en tiennent pas compte, si ce n’est par quelques citations au détour d’un discours.

La COP 26 qui se tient du 31 octobre au 12 novembre 2021 à Glasgow verra-t-elle une évolution des comportements de ses participants ? Les négociations qui s’y tiendront déboucheront-elles sur un rehaussement de l’ambition climatique à un moment où l’urgence est de plus en plus grande ? Les solutions et actions qui y seront arrêtées, seront-elles à la hauteur des enjeux ? Et seront-elles mises en œuvre ?

Voici un petit inventaire, bien succinct et forcément très incomplet, de quelques rapports, études, analyses, enquêtes dont la lecture devrait alimenter la réflexion de nos dirigeants. C’est tout ce que l’on espère !

.

.

A tout seigneur tout honneur ! Il faut commencer par citer le GIEC, le « Groupe d’experts Intergouvernemental sur l’Evolution du Climat » auquel 195 gouvernements (sur les 197 actuellement reconnus par l’ONU) participent.

« Le changement climatique se généralise, s’accélère et s’intensifie » : le ‘Résumé à destination des décideurs’ en date du 7 août 2021 est franchement catastrophique (en anglais ici ; en français – traduction non officielle –  ; et là la synthèse faite par ‘The Shifters’). Il en est de même du rapport sur l’état des connaissances sur le changement climatique publié simultanément.

Loin de moi l’idée de faire ici une synthèse ou un résumé de ce document d’une quarantaine de pages que, quant à eux, tous nos dirigeants devraient lire et relire. Juste quelques points, parmi une foultitude d’autres, que je veux mettre en exergue.

Car il y aurait tant à dire sur l’état actuel du climat ou sur les différents scénarios d’évolution future ou sur les impacts prévisibles sur les sociétés humaines et sur les écosystèmes. Juste peut-être que, même en cas de réduction immédiate des émissions de GES, il est plus ‘probable qu’improbable’ (pour reprendre les termes du Résumé) que la barre des +1.5°C sera atteinte voire dépassée d’ici 2040 ; peut-être même d’ici 2025 ; mais que, dans le meilleur des scénarios (SSP1-1.9), elle pourrait redescendre légèrement sous ce seuil d’ici la fin du XXIe siècle. Et que dans le pire des scénarios (SSP5-8.5 – celui du ‘business as usual’ ?), les émissions annuelles de GES tripleraient et la température augmenterait de 4.4°C d’ici la fin de ce siècle (fourchette large des estimations de 3.3 à 5.7°C). Ou que toute augmentation du réchauffement diminue également l’efficacité des puits de carbone naturels (océans, sols, végétation). Ou encore (oh combien est-ce pessimiste !), que quoi que nous fassions, du fait de l’inertie des océans et des glaces terrestres qui est bien plus grande que celle de l’atmosphère, de nombreux changements dus aux émissions de gaz à effet de serre, qu’elles soient passées et futures, sont irréversibles sur plusieurs siècles, en particulier les changements concernant les océans, les calottes glaciaires et le niveau mondial des océans… Il y aurait tant à dire !

Un des résultats majeurs de ce rapport est que la limitation du réchauffement à +1,5°C à horizon 2100 – le but affiché de l‘Accord de Paris, de la COP 21 de 2015 – est impossible sans une réduction majeure et immédiate des émissions de GES, suivie par l’élimination nette de CO2 atmosphérique. En particulier, cela implique d’arriver à la neutralité carbone (les émissions doivent être compensées par des captures de CO2) peu après 2050. Un second est la réaffirmation forte qu’il y a une relation quasi-linéaire entre la quantité cumulée de GES dans l’atmosphère et le réchauffement climatique.

.

Les critiques des rapports du GIEC sont nombreuses. Et le plus souvent, les stratégies développées sont dans le droit fil de celles des Majors de l’industrie du tabac qui ont réussi pendant des années à cacher la nocivité et les dangers de la cigarette ; ces stratégies sont maintenant parfaitement bien documentées [1].

On est ainsi face à des ‘manipulations scientifiques’ qui visent à discréditer les travaux de la multitude de scientifiques qui contribuent aux rapports du GIEC ; des ‘manipulations médiatiques’ avec de soi-disant experts qui minimisent les impacts et l’ampleur des phénomènes décrits et de leurs conséquences – quand ils n’accusent par les contributeurs et relecteurs des rapports de ‘manipuler’ les données sur le climat ; des ‘manipulations sociétales’ lorsqu’il est affirmé que le bien-être, si ce n’est le bonheur, des êtres humains est gravement menacé par les luttes menées pour éviter un changement climatique (trop) important ; des ‘manipulations de greenwashing’ quand les industries les plus polluantes et tous leurs lobbys – tant au niveau de l’extraction des énergies fossiles que de leur transformation et de leur utilisation sous ses différentes formes – multiplient les communications censées montrées qu’elles sont des acteurs importants dans la lutte contre le réchauffement climatique [2]

Il est sans doute utile aussi de rappeler que le « Résumé technique » et le « Résumé à l’intention des décideurs » sont approuvés ligne à ligne, voire mot à mot, par les représentants des 195 gouvernements impliqués – qui ont parfois des intérêts très différents – et les experts scientifiques ; ils sont donc l’expression du consensus. En outre, la transparence du processus de sélection des auteurs et des relecteurs, puis des publications scientifiquespermet de garantir un haut niveau de neutralité politique.

.

Dans son bulletin annuel paru le 25 octobre (à lire ici), l’Organisation météorologique mondiale fait un constat sans appel : le taux de gaz à effet de serre dans l’atmosphère progresse de façon alarmante. Et cela est vrai tant pour le gaz carbonique – CO2 – que pour le méthane – CH4 – ou l’oxyde nitreux – N2O. A leur rythme actuel, l’augmentation de la concentration de ces gaz dans l’atmosphère conduit à une hausse des températures bien supérieure aux objectifs fixés par l’Accord de Paris.

Dans ce rapport s’expriment aussi de sérieuses inquiétudes quant à l’efficacité future des ‘puits de carbone’ dont la capacité à agir comme un tampon contre une augmentation plus importante de température pourrait se réduire. Et cela est aussi vrai pour les écosystèmes terrestres en raison des conséquences du changement climatique en cours comme la fréquence accrue des sécheresses et l’augmentation de la fréquence et de l’intensité des incendies de forêt que pour les océans avec l’augmentation des températures à la surface de la mer, l’acidification due à l’absorption de CO2 et le ralentissement de la circulation océanique méridienne dû à la fonte accrue de la glace de mer. Les effets du réchauffement climatique amplifient et accélèrent le réchauffement climatique !

Le Secrétaire Général de cette agence de l’ONU lance ainsi un cri d’alarme : « la dernière fois que la Terre a connu une concentration comparable de CO2, c’était il y a 3 à 5 millions d’années, lorsque la température était de 2 à 3 °C plus élevée et que le niveau de la mer était de 10 à 20 mètres plus haut qu’aujourd’hui. Mais il n’y avait pas 7,8 milliards d’habitants à l’époque ».

.

Dans son « rapport 2021 sur l’écart entre les besoins et les perspectives en matière de réduction des émissions » publié le 26 octobre 2021 (à voir ici), le Programme des Nations unies pour l’environnement (PNUE) rappelle que les émissions de gaz à effet de serre continuent de croître, excepté en 2020 en raison de la pandémie de Covid-19 (- 5,4 %). Il indique que les dernières promesses climatiques pour 2030 mettent le monde sur la voie d’une augmentation de la température d’au moins 2,7°C au cours du siècle.

A la veille de la COP26, les « contributions déterminées au niveau national » (NDC) – ces feuilles de route climatiques avec 2030 pour horizon que chaque Etat élabore lui-même et pour lui-même – qui ont été présentées sont notablement insuffisantes ; d’autres sont même en repli sur celles présentées il y a 6 ans ; et certains Etats n’ont pas présenté leurs engagements de décarbonation de leur société.

A ce jour, selon Climate Action Tracker (CAT), réseau international de climatologues, seule la Gambie a une trajectoire compatible avec le scénario + 1,5 °C d’ici à la fin du siècle

.

Il convient de mentionner aussi une initiative assez peu connue : la Décennie des Nations Unies pour la restauration des écosystèmes qui se déroule de 2021 à 2030 (présentation à voir ici).

2030 ! Cette date a été choisie encore une fois comme cible pour atteindre les objectifs de développement durable car elle constitue notre dernière chance selon les scientifiques, d’éviter des changements climatiques catastrophiques. Mais cela est-il encore nécessaire de le rappeler ?

Ce n’est pas le premier appel que l’ONU lance dans ce domaine. Il y a déjà eu la proclamation de la Décennie des Nations Unies pour les déserts et la lutte contre la désertification (2010-2020), de la Décennie pour la biodiversité (2011-2020), de la Décennie internationale d’action sur le thème « L’eau pour le développement durable » (2018-2028), de la Décennie pour l’océanologie au service du développement durable (2021-2030) et de la Décennie pour l’agriculture familiale (2019-2028).

Sans doute faut-il rappeler à nos dirigeants tous ces engagements qu’ils ont pris ! Il ne s’agit pas là de rapports édités par des organismes ici et là, certains même étant gouvernementaux. Non ! il s’agit là d’engagements qu’ils ont ratifiés de façon très officielle.

.

En mai 2021, l’Agence Internationale de l’Energie a publié, à la demande de la présidence de la COP 26, un rapport ‘Net Zéro by 2050’ (lien ici) sur la trajectoire à adopter pour décarboner le secteur de l’énergie d’ici 2050. Elle y appelait en particulier à ne plus investir dans de nouvelles installations charbonnières, pétrolières et gazières, à un déploiement massif et immédiat de toutes les sources d’énergie propres et à faire de l’investissement dans l’innovation l’une des priorités. Elle y évoquait aussi le recours nécessaire au nucléaire.

Mais elle avertissait que, même si toutes les promesses étaient tenues, cela ne permettra pas de limiter le réchauffement climatique à 1.5 °C ; surtout que nombre des engagements ne se sont pas traduits par des mesures concrètes.

Dans son édition 2021 du ‘World Energy Outlook’ (voir ici), l’Agence Internationale de l’Energie confirme que le développement au rythme actuel des énergies renouvelables (solaire, éolien), des véhicules électriques et des autres technologies bas carbone n’est pas suffisant pour atteindre la neutralité carbone en 2050. Elle appelle ainsi à pousser encore plus l’électrification bas carbone des usages.

Le Directeur exécutif de l’AIE avertit ainsi les décideurs que « le secteur de l’énergie doit réaliser une transformation totale d’ici à 2050 ». Et il regrette que « jusqu’ici, beaucoup d’entre eux l’ont mal compris. » Et il appelle à « un signal clair d’ambition et d’action de la part des gouvernements à Glasgow ». Sera-t-il entendu ?

.

En France, de nombreux rapports sont publiés dans l’optique de proposer au niveau national des scénarios pour atteindre la neutralité carbone en 2050 et limiter ainsi le réchauffement climatique dans les limites de l’Accord de Paris.

Le 25 octobre, RTE, le gestionnaire du Réseau de Transport d’Electricité, a publié ses scénarios de production et de consommation électrique permettant l’atteinte de la neutralité carbone à l’horizon 2050 (lien ici). Il insiste sur le fait que « quel que soit le scénario choisi, il y a urgence à se mobiliser ».

6 scénarios sont ainsi présentés qui, tous conduisent à ce que, en 2050, la neutralité carbone – à savoir l’équilibre entre les émissions de GES et leur absorption par les puits de carbone – soit atteinte et à ce que « nous ne consommerons plus de pétrole ni de gaz fossile ». 3 sont bâtis sur la sortie du nucléaire et un mix à 100% en énergies renouvelables ; 3 le sont sur un mix incluant le nucléaire dans des proportions plus ou moins importantes en 2050.

Le 26 octobre, cela a été le tour de l’association Négawatt de présenter son scénario de transition énergétique pour la France (à voir ici). S’appuyant sur deux grands piliers, la sobriété et l’efficacité énergétique, il vise la neutralité carbone en 2050 sans recourir au nucléaire.

Le rapport couvre des domaines excédant la seule production d’énergie. La transition énergétique doit s’accompagner d’une transition sociétale ; ce qui implique de passer aussi par une transformation de nos modes de production et de consommation. Il s’attache ainsi à suivre les émissions des GES non seulement sur le territoire national mais aussi sur les biens et services importés. Il souligne aussi les impacts positifs sur la santé de cette transition, notamment du fait de la baisse de la pollution de l’air, d’une nette diminution des émissions de particules fines et d’une augmentation de l’activité physique liée à une pratique plus soutenue du vélo et de la marche à pied.

L’ADEME, l’agence de la transition écologique, devrait produire son rapport vers la mi-novembre à l’exception notable du volet électricité, reporté sine die. Est-ce parce que la version de travail qui a fuité offre une vision différente de celle de RTE sur des points sensibles tels que le niveau de consommation et la place du nouveau nucléaire ? Les quatre scénarios examinés par l’ADEME (contre six pour RTE) correspondent en effet à des modèles de société allant du très sobre au très énergivore, avec des niveaux de consommation très contrastés allant de 400 à 800 TWh contre 550 à 770 TWh chez RTE et un minimum chez Négawatt de 540 TWh. Des variations sont également appliquées selon le niveau de flexibilité et d’électrification du système.

.

Le Directeur de Négawatt alerte : « Si l’on veut atteindre nos objectifs, ce quinquennat est celui de la dernière chance. On ne peut plus attendre encore et encore. Il faut passer de la politique des petits pas à celle des grandes enjambées. » Tant sur la base des travaux de son association que sur celles d’autres études et analyses (RTE, ADEME, il y en a certainement d’autres), toutes les informations pour élaborer et proposer des orientations politiques argumentées sont disponibles. Les candidats à la Présidentielle doivent impérativement s’emparer de ces problématiques et ne pas les réduire, comme c’est trop souvent encore le cas, à quelques slogans !

.

Tous les rapports de transition énergétique tablent de façon plus ou moins importante sur l’efficacité énergétique que l’on peut définir comme étant la diminution de la quantité d’énergie nécessaire pour satisfaire un même besoin.

La sobriété y est nettement moins présente. Elle vise à modérer, à réduire notre consommation d’énergie et de biens matériels par un changement de nos comportements et de nos modes de vie, tant au niveau individuel que collectif. Elle est souvent opposée à ‘l’ébriété’ qui caractérise souvent nos sociétés de surabondance.

Quelques exemples. L’efficacité est de remplacer les lampes à incandescence par des lampes LED ; la sobriété, c’est de ne pas laisser nos appareils en mode veille quand nous ne nous en servons pas ; ou d’éteindre l’éclairage publique à certaines heures la nuit. La sobriété, c’est concevoir les produits pour qu’ils puissent être réparés plutôt que de devoir être remplacés. La sobriété, c’est de s’interroger sur l’utilisation d’une voiture pesant 1200 kg pour faire 5 km pour aller travailler quand un transport collectif est disponible ou que le faire à vélo est possible ; ou sur la nécessité de toutes les fonctions gadget dont nombre de nos produits sont pourvus…

La sobriété a ainsi fait l’objet d’études très abouties qui couvrent tous les aspects de notre vie. On peut citer, parmi certainement plusieurs autres, celle de Négawatt (ici) et celle de l’ADEME () – toutes deux, à mon avis, très intéressantes et instructives bien que différentes.

La sobriété est souvent ignorée de nos politiques dans les actions qu’ils proposent et/ou mettent en place, même s’ils la citent régulièrement, car elle suppose un effort particulier. Il lui préfère l’efficacité énergétique qui repose essentiellement sur de nouvelles solutions technologiques.

.

Pour finir, je tiens à indiquer cette étude scientifique (en lien ici) publiée en septembre 2021 et qui a été menée auprès de 10.000 jeunes de 16 à 25 ans dans une dizaine de pays [3].

Sa conclusion est sans appel : « Les personnes interrogées dans tous les pays ont fait part d’un niveau d’inquiétude important, près de 60 % d’entre elles déclarant se sentir « très » ou « extrêmement » inquiets du changement climatique. Plus de 45 % ont déclaré que leurs sentiments à l’égard du changement climatique avaient un impact négatif sur leur vie quotidienne. »

Et leur avenir fait peur à 75% d’entre eux (74% en France) ! Ils sont aussi 56% (48% dans notre pays) à penser que l’humanité est condamnée ! C’est effrayant, n’est-ce pas ? Qu’en disent nos dirigeants ?

Car ces jeunes hommes et ces jeunes femmes sont aussi très critiques envers leurs dirigeants et les réponses qu’ils apportent au changement climatique. Ils sont ainsi 65% à se sentir abandonnés par leur gouvernement (55% en France) et 64% à penser qu’il leur ment sur les résultats des actions entreprises (58% en France). A l’inverse, ils ne sont que 33% (27% en France) à juger que leurs dirigeants les protègent, eux mais aussi la planète et les générations futures, du changement climatique.

.

.

Le temps des annonces politiciennes, des coups de menton se voulant volontaires et des grandiloquents effets de manche doit cesser ! Il devient de plus en plus important que tous les gouvernants, tous les décideurs, en France et dans le monde, prennent conscience de la réalité climatique et s’engagent résolument dans la lutte contre le réchauffement climatique. Il doit en être de même dans notre pays pour tous les candidats à l’élection présidentielle. Il est encore temps !

Pas pour eux.

Pour leurs enfants et petits-enfants, pour leur avenir, pour leur bien-être futur !!!

Pour l’humanité, pour les générations actuelles et futures, pour le bien-être futur de toutes et à tous sur Terre !!!

.

Dans tout voyage, aussi long et difficile soit-il, il y a toujours un premier pas. Dans cette lutte contre le réchauffement climatique, jusqu’à maintenant, nous n’avons fait que piétiner. Il est temps que nos dirigeants fassent, que nous fassions toutes et tous un premier pas ! Un premier pas ferme, résolu, déterminé.

.

Une seule planète, une seule humanité, un seul futur !

.

.

29 octobre 2021                                

.

.

[1]  A voir sur ce sujet ce documentaire d’Arte « Tabac, la conspiration – dans les rouages d’une industrie meurtrière« 

[2]  Je ne peux m’empêcher de citer ici l’étude d’Oxfam : « Oxfam décrypte les ressorts du greenwashing de Total« . Cette étude a été réalisé après que le groupe Total ait décidé de changer de son nom en ‘Total Energies’, ait annoncé sa transformation vers une entreprise « multi-énergies » et ait proclamé son engagement dans la transition énergétique. Ce qui n’est que du ‘pur greenwashing’ : la feuille de route sur le climat présentée va en effet à l’encontre des objectifs de l’Accord de Paris mais aussi du dernier rapport de l’Agence internationale de l’énergie (AIE).

[3]  « Young people’s voices on climate anxiety, government betrayal and moral injury : a global phenomenon ». Enquête menée en Australie, au Brésil, aux États-Unis, en Finlande, en France, en Inde, au Nigeria, aux Philippines, au Portugal et au Royaume-Uni.

Vers une privatisation de la Banque de France ?

Ci-dessous la note parue sur le site de l’Institut Rousseau, think-tank que je vous recommande chaleureusement. Vous pouvez aussi la lire ici ou aller faire un tour sur leur site.

François Villeroy de Galhau a été nommé gouverneur de la Banque de France en novembre 2015 après une mission d’étude de quelques mois destiné à faire oublier que, jusqu’en avril 2015, il était le numéro 3 de BNP Paribas. Cette nomination avait soulevé des objections de la part de nombreux économistes[1]. Il est désormais en passe d’être reconduit à la tête de la Banque de France par Emmanuel Macron[2].

Sa nomination a pourtant fait l’objet, tant dans le monde financier et économique qu’en interne, de très fortes critiques du fait des conflits d’intérêt qu’elle soulevait ; son expérience, son réseau, sa vision des choses, son état d’esprit risquait de l’amener à défendre les intérêts du secteur bancaire plutôt que ceux de la collectivité. La Banque de France est en effet par plusieurs de ses missions et attributions la « banque des banques » et son gouverneur est le président du Collège de supervision de l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR), organisme chargé du contrôle des banques. Sa reconduction, en 2021, pose les mêmes questions au regard de l’analyse de son action.

Quel bilan à l’heure de sa reconduction ? Fin 2020, François Villeroy de Galhau appelait à ramener le taux des Plans d’Épargne Logement – les PEL – ouvert avant 2011, et dont la rémunération s’élève à 4,4 % au minimum, à 1 % seulement[3]. Selon lui, cette rémunération met en danger les banques commerciales, lesquelles, en 2020, ont pourtant réalisé un niveau record de 21 milliards d’euros de bénéfices.

Le gouverneur de la Banque de France s’est également opposé à la proposition d’annulation des dettes publiques détenues par la BCE portée par l’Institut Rousseau et par près de 150 économistes à travers l’Europe[4], tout comme il s’est opposé à l’idée de monnaie hélicoptère[5], prônant au contraire le retour à la maîtrise du déficit et de la dette publique en coupant dans les dépenses.

Il s’est enfin longtemps opposé à la rupture avec le dogme de la neutralité monétaire qui empêche la banque centrale de jouer un rôle, qui serait pourtant essentiel, dans la lutte contre le changement climatique en déclarant : « Ne nous trompons pas sur la nature de la politique monétaire. Elle doit permettre d’atteindre des objectifs macroéconomiques, plutôt que des objectifs spécifiques liés à tel ou tel secteur »[6] avant de reconnaître partiellement, plusieurs années plus tard, que la politique monétaire pouvait bien jouer un rôle dans ce domaine. Cela n’a toutefois pas empêché la BCE, dans sa revue récente de politique monétaire, de conserver ce dogme absurde de la neutralité monétaire[7].

François Villeroy de Galhau milite également activement pour qu’il n’y ait aucune hausse de la fiscalité. Il pense sans aucun doute à l’ISF qui a été supprimé et qu’il ne faut pas rétablir, au Prélèvement Forfaitaire Unique (PFU) sur les dividendes – la “flat tax” qui s’est substituée à la taxation selon le barème progressif de l’impôt sur les revenus – qu’il faut maintenir en l’état, aux niveaux de prélèvements sur les stock-options qu’on ne doit pas remonter et à toutes les mesures élargissant les avantages fiscaux fait sur les placements financiers qu’il ne fait pas toucher. De beaux exemples d’idéologie économique conservatrice, toute entière tournée vers la préservation du capitalisme financier.

Et si sa reconduction à la tête de la Banque de France visait à parachever une autre œuvre, celle de sa privatisation rampante ? Examinons les faits.

La Banque de France comptait fin 2015, 12 269 agents équivalents Temps Plein (ETP)[8]. Fin 2020, ceux-ci ne sont plus que 9 535 (soit -22 %). Cette baisse des effectifs était certes amorcée depuis des années mais elle a été fortement amplifiée sous la gouvernance de François Villeroy de Galhau. Entre 2010 et 2015, la baisse des effectifs avait été de l’ordre de 9 %. Fin 2024, selon les prévisions établies par la Banque de France, le nombre d’emplois devrait être descendu à 8 800. Selon les syndicats unanimes, celui-ci devrait être en fait inférieur à 8700 ; soit une diminution supplémentaire de près de 10 %.

François Villeroy de Galhau a donc appliqué, à la tête de la Banque de France, le dogme du moins-d’État et le crédo qu’il faut sans cesse et partout “dégraisser le mammouth” pour réduire les dépenses. Le nombre d’emplois supprimés et celui des missions de services publics dégradées au cours de ces dernières années constituent ainsi sa véritable marque à la tête de la Banque de France (et bien évidemment celle de sa tutelle).

François Villeroy de Galhau peut aussi s’enorgueillir que les sommes versées par la Banque de France à son actionnaire unique, l’État, sont en hausse régulière : la contribution de notre Banque Centrale Nationale au budget de l’État (impôts sur les sociétés et dividendes) a été en 2019 de 6 milliards d’euros, soit 2,7 % des recettes nettes du budget général de l’État, alors qu’elle n’était que de 1,6 % en 2015. Mais cette évolution doit beaucoup à la conduite de la politique monétaire non-conventionnelle de la BCE. La BDF perçoit des intérêts (ou en paye en cas de taux négatifs) sur les titres acquis dans ce cadre du quantitative-easing ; titres en majorité émis par l’Etat (bons du Trésor) ainsi que par des collectivités et des grandes entreprises françaises. Ces intérêts alimentent ainsi ses résultats pour une part très significative ; et donc, les impôts et les dividendes versés à l’Etat.

En fait, les évolutions de la Banque de France au cours des dernières années nous renvoient à un triple échec. Le premier échec réside dans une contribution “négative” à l’aménagement du territoire ; le second dans une moindre participation aux services publics que l’État doit rendre à ses administrés ; et le dernier dans le recul de la mission régalienne qui est celle de la Banque de France de l’entretien de la monnaie fiduciaire, à travers ce que l’on pourrait même considérer comme une privatisation de cette activité.

.

1. Premier échec : une contribution négative à l’aménagement du territoire et un affaiblissement considérable de l’institution Banque de France

1. Une baisse massive des effectifs et une modification de certains statuts.

La baisse des effectifs n’est pas également répartie au sein de la Banque de France. Mais “l’effort d’adaptation” accompli – pour reprendre les termes de la communication officielle – s’est partout accompagné d’une pression accrue sur le personnel.

Ainsi, les effectifs parisiens du siège (4.242 fin 2019 ; – 5 % en 3 ans), où est concentré l’ensemble des services de politique monétaire (peu d’agents en fait), d’études et de support, ont diminué nettement moins vite que ceux du réseau, à savoir l’ensemble des succursales dont la Banque de France dispose sur tout le territoire national (4 017 à cette même date ; – 15 % de 2017 à 2019).

L’ACPR – Autorité de contrôle prudentiel et de résolution – qui a pour mission le suivi et le contrôle des banques implantées en France, n’a en revanche pas connu cette érosion ; et ceci bien qu’une partie de ses responsabilités ait été transférée à la Banque centrale européenne dans le cadre du Mécanisme de surveillance unique – MSU – qui supervise notamment les quatre grands groupes bancaires français. Ses effectifs (1.050) connaissent même une légère progression.

Une mention particulière doit être faite pour l’activité de production papetière portée par la Banque de France. Cette activité historique a connu comme les autres branches de la Banque de France une diminution drastique de ses effectifs. Mais cette activité a, en octobre 2015, été transférée dans une entité juridique distincte de la Banque de France, Europafi. Et en 2017, une partie de son capital, alors détenu à 100% par la Banque de France, a été cédé à d’autres banques centrales européennes.

Plus symptomatique de cette privatisation rampante est la gestion du personnel de cette structure. Le personnel présent au moment de la filialisation est maintenant considéré comme mis à disposition d’Europafi ; il est en diminution régulière. Mais les renforcements d’effectifs sont réalisés sous statut Europafi, aux conditions du marché donc. Comme cela s’est produit dans de nombreuses autres entités publiques, on a ainsi la cohabitation de personnes “sous statut de leur administration d’origine” et de personnes “sous contrat privé”. Il peut se concevoir que d’autres banques centrales nationales européennes entrent au capital d’Europafi mais il faudra s’assurer qu’aucune prise de participation d’une entreprise privée ne puisse intervenir.

2. Le retrait des petites et moyennes villes sur le territoire.

La diminution des effectifs du réseau de succursales de la Banque de France s’est faite tout d’abord par la fermeture d’unités qui sont passées de 211 en 2003 à seulement 95 aujourd’hui. Toutes les unités infra-départementales, donc situées exclusivement dans des villes petites et moyennes, ont été fermées, contribuant ainsi à l’accélération de la diminution de leur nombre d’habitants et au recul du dynamisme de ces territoires. Comme n’ont cessé de le dire élus et citoyens : « c’est encore une fois, un autre service public qui est supprimé ».

Dans le même temps, une majeure partie des travaux d’analyse et traitement, faite auparavant sur la base départementale, a été concentrée sur un nombre réduit de centres de traitement, le plus souvent dans les unités les plus importantes et donc situées dans les villes les plus grandes. Ces activités étaient essentiellement liées au traitement des situations de surendettement des ménages qui permet à des personnes ne pouvant faire face à leur endettement de trouver des solutions et à la cotation des entreprises qui sert entre autres pour le suivi de l’activité économique et pour la surveillance prudentielle des banques.

Ainsi, des succursales de plein exercice qui comptaient parfois des dizaines d’agents ont vu leurs effectifs passer, plus ou moins rapidement, à 5, 6, 7 personnes dans la quasi-totalité des cas.

.

2. Deuxième échec : un fort recul du service rendu au public, notamment dans sa dimension de service public de proximité

De par les missions qui lui sont confiées, la Banque de France est en relation avec un large public. C’est en particulier le cas pour les questions liées au surendettement ainsi que dans le cadre des contacts fréquents qu’elle entretient avec les entreprises, que cela soit pour l’attribution de leur cotation ou lors des enquêtes de conjoncture qu’elle réalise auprès d’elles.

La transformation de succursales de plein exercice en “succursale de présence de place” – selon la terminologie Banque de France – s’est en outre accompagnée d’une digitalisation des procédures. Ainsi, les surendettés et les travailleurs sociaux qui les accompagnent souvent dans leurs démarches, n’ont accès aux dossiers de surendettement que par Internet[9] quand on ne les confie pas à des chatbots sur la plateforme téléphonique ! Une rencontre avec le gestionnaire du dossier est devenue quasi impossible. D’abord car le traitement des dossiers est très parcellisé ; ensuite car les personnes travaillant sur le dossier peuvent maintenant se trouver à l’autre bout de la France. Pour le service public proche du citoyen, accessible et amical, on repassera !

Les relations avec les entreprises sont aussi plus distendues. Lors de la cotation par exemple, le contact doit souvent être pris avec le dirigeant pour faire une analyse qualitative et pas seulement chiffrée, des évolutions récentes de son entreprise et de ses perspectives. Auparavant, ces entretiens étaient principalement réalisés par des agents de la succursale départementale ou infra-départementale connaissant bien le tissu économique local et ayant souvent des relations anciennes avec ces chefs d’entreprises. Dorénavant, ces contacts, le plus souvent téléphoniques, sont réalisés par des agents situés dans un centre de traitement éloigné et n’ayant donc que peu de connaissances des spécificités locales et historiques de l’entreprise. La Banque de France perd ainsi en acuité sur la connaissance du tissu économique.

Enfin, les difficultés rencontrées par le public, souvent le plus fragile, pour actionner la procédure du droit au compte ou pour avoir des informations sur l’offre bancaire spécifique aux personnes en situation de fragilité financière, sont considérablement augmentées[10]. Il lui faut maintenant rechercher l’information, voire faire sa demande, sur Internet alors qu’il lui suffisait auparavant de se présenter à un guichet de la BDF pour avoir tout le service souhaité. Idem pour obtenir un rendez-vous, alors même que certaines personnes ne disposent pas d’internet. Il en est de même pour les personnes souhaitant consulter les grands fichiers que gère la Banque de France, au premier rang desquels se trouve le Fichier Central des Chèques. Jadis, il suffisait de se présenter au guichet de la Banque de France pour avoir immédiatement sa situation au regard de ces fichiers. Maintenant, il faut faire sa demande par Internet ou prendre rendez-vous, de préférence par Internet.

Il est donc nécessaire de revenir à une obligation d’accueil au guichet. Mais cette obligation d’accueil au guichet ne doit pas se limiter à la Banque de France. Elle doit en fait concerner l’ensemble des administrations qui, depuis des années, ne reçoivent que sur rendez-vous. Rendez-vous qu’il est parfois très difficile d’obtenir. Les capacités d’accueil téléphonique pour les questions non-nominatives doivent aussi être renforcées ; quand elles ne doivent pas être totalement reconstituées.

Proposition : Obliger la Banque de France à recevoir la clientèle sans rendez-vous sur des plages horaires élargies et renforcer les capacités d’accueil téléphonique.

Proposition : les Maisons de Service au Public – MSAP, ce palliatif créé par l’État pour limiter le recul de l’accueil de ses administrations, doivent être encouragées. Mais leur financement ne doit pas reposer pour partie sur les collectivités locales qui les portent. C’est à l’État d’assurer le coût des missions régaliennes qui sont les siennes. En outre, les agents y accueillant le public doivent bénéficier d’un soutien téléphonique prioritaire dans les différentes administrations partenaires pour pouvoir aider au mieux les personnes reçues.

.

3. Troisième échec : un abandon de plus en plus important par la BDF de sa mission régalienne d’entretien de la monnaie fiduciaire au bénéfice d’acteurs privés

La Banque de France comptait 71 caisses à fin 2012. Celles-ci ont pour mission d’assurer l’entretien des billets qui reviennent dans ses caisses. Quand elles étaient assez nombreuses, elles permettaient une bonne irrigation de l’ensemble du territoire national en billets neufs et en bon état ainsi qu’en pièces de monnaie.

Les caisses n’étaient plus que 49 fin 2017 et 37 fin 2019. Et le plan 2022 – 2024 qui vient d’être annoncé par François Villeroy de Galhau prévoit la fermeture de 13 caisses du réseau supplémentaires d’ici fin 2022 ! Avec une “clause de revoyure” à cette date, ce qui laisse augurer d’autres fermetures. Concomitamment, il est prévu la suppression de 130 emplois.

Cette réorganisation se fait avec l’aval du gouvernement. Le Conseil général de la Banque de France, son Conseil d’administration qui délibère sur les questions relatives à la gestion des activités autres que celles qui relèvent des missions du système européen des banques centrales (SEBC), compte en son sein deux représentants du ministère de l’Économie et des finances. Le Conseil général a approuvé ce dernier plan de réduction du réseau des caisses avec les voix des représentants de l’État ; ces derniers avaient cependant la possibilité et le pouvoir de s’y opposer.

Les raisons de ce désengagement sont multiples. Mais il faut mettre en avant la volonté du gouvernement de la Banque de France de faire effectuer le tri et le recyclage des billets par des opérateurs privés (banques, transporteurs de fonds, grande distribution). Ainsi, ces derniers trient et remettent en circulation des billets qui, auparavant, transitaient par les caisses de la BDF. Ils assurent alors l’entretien de la monnaie fiduciaire, qui est pourtant une mission régalienne. Cette externalisation de la mission régalienne d’entretien de la monnaie fiduciaire est allée croissant au fur et à mesure que le nombre de caisses diminuait. Le développement du e-commerce, la progression continue des paiements par carte bancaire et, ces derniers mois, l’explosion des paiements sans contact expliquent évidemment aussi le recul de la circulation de la monnaie fiduciaire. Mais on ne peut pas anticiper ce qu’il en sera ces prochaines années !

Depuis des années, les banques privées, l’État et la direction des finances publiques sont clairement défavorables à l’utilisation des espèces. Les banques commerciales ont ainsi supprimé plus de 5000 points de retrait de billets en cinq ans, complexifiant de ce fait l’accès aux espèces et au paiement en numéraire. Ainsi, 60 % des communes françaises ne sont pas équipées d’un distributeur de billets et près d’un million de nos concitoyens doivent dorénavant faire plus de 15 minutes de trajet en voiture pour accéder à un distributeur automatique de billets.

Il faut bien voir par ailleurs que la baisse du nombre de caisses crée les conditions pour les banques de détail et les transporteurs de fonds d’augmenter leur emprise sur le volume d’espèces qu’ils manipulent et donc de baisser les coûts unitaires de traitement des billets. Selon certaines estimations, cette réduction du coût logistique et de traitement pourrait avoisiner 13 %. C’est d’ailleurs l’un des objectifs de la Banque de France comme elle l’indique dans la présentation de son projet, mettant ainsi en avant un avantage pour les banques commerciales au détriment de sa propre activité.

.

4. Vers une privatisation de l’entretien de la monnaie fiduciaire ?

Pour pallier le faible maillage territorial des caisses de la BDF, François Villeroy de Galhau prévoit la création de stocks auxiliaires de billets (SAB) dans les zones trop éloignées d’une caisse de la BDF, confiés à des acteurs privés. Ce projet est une réelle opportunité pour les acteurs privés de la filière car ces SAB, leur mise en place et leur fonctionnement, seront intégralement financés par la BdF à hauteur de 200 000 € par SAB par an (soit 3 millions d’euros annuels pour les 15 SAB prévisionnels). La Banque de France va payer des acteurs privés pour remplir l’une de ses missions régaliennes ! Sur les 19 membres de l’Eurosystème, seuls six ont pourtant mis en place des SAB. Par ailleurs, la France se distinguerait par cette prise en charge financière qui n’est pas la règle ; en Espagne, pays le mieux doté en SAB (46), ce sont les banques privées qui les financent.

Proposition : l’État français doit s’opposer à ce nouveau plan de fermeture de caisses locales d’autant plus que la Banque de France dispose en interne de capacités de tri largement suffisantes.

Proposition : Une limitation du tri et de l’entretien des billets externalisés au secteur privé doit être rapidement instaurée à hauteur de 40 % maximum. Toutes les conventions conclues et renouvelées devront se baser strictement et sans clause dérogatoire sur ce taux. La commission ci-dessous aura à voir si un taux inférieur ne doit pas être poursuivi dans un deuxième temps.

Dans tous les cas, il doit être procédé à un examen impartial de la circulation et de l’entretien de la monnaie fiduciaire dans la perspective plus large que ce moyen de paiement doit rester, aujourd’hui et demain, facile d’accès et accessible à tous.

Proposition : Une commission réunissant l’ensemble des partenaires concernés (État, Banque de France, secteur bancaire, transporteurs de fonds, commerce, usagers) doit être mise sur pied.

.

En conclusion, il convient de rappeler que l’indépendance de la Banque de France ne concerne que la détermination de la politique monétaire et de sa mise en œuvre. En dehors de cette mission, la Banque de France demeure une administration publique chargée de plusieurs autres missions de service public. Cette indépendance ne concerne donc en aucune façon les missions qui sont confiées à la Banque de France par des décisions légales ou réglementaires ou qui sont décidées par son actionnaire unique, l’État français.

Fortement affaiblie au cours des dernières années, l’institution Banque de France est aujourd’hui menacée de ne plus être en mesure d’exécuter correctement ses missions de service public du fait de la réduction de ses effectifs, des réorganisations internes réalisées mais aussi de son retrait de certaines activités au profit notamment du secteur bancaire privé auquel les décisions prises ces dernières années, sous le mandat de François Villeroy de Galhau, n’ont cessé de profiter.

.

.

[1]https://www.lemonde.fr/idees/article/2015/09/15/banque-de-france-les-parlementaires-doivent-rejeter-le-choix-de-l-elysee_4757539_3232.html

[2]elysee.fr/emmanuel-macron/2021/10/06/proposition-de-nomination-de-m-francois-villeroy-de-galhau-en-qualite-de-gouverneur-de-la-banque-de-france

[3]https://www.boursorama.com/patrimoine/actualites/pel-le-taux-de-rendement-de-votre-vieux-pel-va-t-il-etre-abaisse-a-1-a57b0810b4098447d8c6e1c6f89708d0

[4] https://annulation-dette-publique-bce.com/

[5]https://www.lesechos.fr/monde/europe/lidee-de-monnaie-helicoptere-suscite-de-vives-reactions-1324237

[6] http://www.cepii.fr/BLOG/BI/post.asp?IDcommunique=442

[7] https://www.institut-rousseau.fr/la-revue-monetaire-de-limmobilisme/#_ftn5

[8] L’ensemble des données chiffrées relatives aux effectifs sont de source interne à la Banque de France, soit directe soit syndicale.

[9]  Il n’est pas inutile de rappeler qu’en France, environ 15% des personnes de 15 ans et plus, soit 1 sur 6, n’utilisent pas Internet, que 1 sur 5 est incapable de communiquer via Internet, que 1 sur 4 ne sait pas s’informer sur Internet et que 1 sur 3 manque de compétences numériques de base  –  https://www.insee.fr/fr/statistiques/4241397

[10] Cette offre spécifique permet aux titulaires et cotitulaires des comptes concernés de bénéficier d’un ensemble de services bancaires ainsi que d’une limitation des frais bancaires. Selon le rapport 2020 de l’Observatoire de l’Inclusion bancaire, 3.81 millions de clients des banques sont identifiés comme fragiles (+12 % en un an). Seuls 598.000 (soit 15.7 %) bénéficient à fin 2020 de l’offre qui leur est réservée.              https://www.banque-france.fr/sites/default/files/medias/documents/oib2020_web.pdf

Quelques réflexions sur l’avis du Conseil Constitutionnel sur le passe sanitaire

La Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 qui préface notre Constitution déclare, dans son article 2 : « Le but de toute association politique est la conservation des droits naturels et imprescriptibles de l’Homme. Ces droits sont la liberté, la propriété, la sûreté, et la résistance à l’oppression » ; c’est moi qui souligne les deux mots, ‘liberté’ et ‘sûreté’.

Mais il faut tout d’abord bien distinguer la sûreté et la sécurité.

La sécurité est un terme qui, ces dernières années, est surutilisé et ainsi largement galvaudé. Il en est même devenu, en son nom et pour son nom, prétexte, quand ce n’est synonyme, de droits réduits, de procédures judiciaires assouplies, de décisions administratives limitant les libertés, de surveillances et de contrôles sans cesse croissants, de dispositifs de plus en plus répressifs.

La sûreté, telle qu’elle était entendue par les rédacteurs de 1789, est la garantie qu’apporte l’Etat que nous puissions exercer de façon pleine et entière nos droits et nos libertés individuelles et collectives, que nous puissions exercer notre liberté telle qu’elle est inscrite dans notre devise nationale et sur le frontispice de nos bâtiments publics.

Depuis sa rédaction, des réductions et limitations ont toutefois été apportées à la liberté, par arbitrage souvent avec une autre valeur constitutionnelle.

Sachant que toute nouvelle limitation et toute nouvelle restriction à notre liberté et à nos droits et libertés s’appuient sur des limitations et des restrictions antérieures. Et qu’elles sont généralement acceptées, comme par un effet de mithridatisation, d’accoutumance.

.

Dans son arrêté du 5 août qui valide l’extension du passe sanitaire, le Conseil Constitutionnel reconnait que certains éléments du texte de loi « portent atteinte à la liberté d’aller et venir » et « au droit d’expression collective des idées et des opinions ». Dit autrement : certains éléments de la loi portent atteinte à nos libertés individuelles et collectives, à notre liberté. Ou encore qu’ils constituent une mesure discriminatoire dans la mesure où ils créent deux catégories de citoyens avec comme discriminant l’état de santé ; ce qui est constitutionnellement prohibé.

Mais le Conseil Constitutionnel les valide car « en adoptant les dispositions contestées, le législateur a entendu permettre aux pouvoirs publics de prendre des mesures visant à limiter la propagation de l’épidémie de Covid-19 ». Il les justifie au nom d’une « conciliation équilibrée » entre les exigences de protection de la santé et les libertés individuelles.

La poursuite de « l’objectif de valeur constitutionnelle de protection de la santé » des citoyens est donc mise en avant pour justifier une limitation des droits et des libertés.

Le Conseil Constitutionnel met en avant ce même objectif face à cette autre garantie constitutionnelle qu’est « la sécurité matérielle ». Tout chef d’entreprise doit suspendre le contrat de travail – et donc la rémunération – puis licencier tout salarié ne présentant pas un passe sanitaire ; le privant ainsi de toute ressource, de tout moyen de subsistance pour lui, voire pour toute sa famille ! Et chantage dans le chantage, tout salarié licencié pour ce motif n’aura pas droit aux indemnités chômage. Le privant donc pour longtemps, vue la situation de l’emploi en France, de tout moyen de subsistance pour lui, voire pour toute sa famille !

Tout comme il avait mis en avant la protection des citoyens face à la menace terroriste, leur sécurité, dans ses avis rendus sur la transposition dans la loi ordinaire des dispositions de l’Etat d’urgence ou sur les lois Renseignement.

.

Mais quelle sera la position du Conseil Constitutionnel si le gouvernement demande que l’usage du passe sanitaire soit poursuivi au-delà du 15 novembre, prouvant alors en creux son peu d’efficacité au regard au regard de ses objectifs annoncés de freinage de la propagation de l’épidémie et de limitation de la surcharge dans les hôpitaux ?

Mais quelle sera la position du Conseil Constitutionnel si l’intérêt général tel que l’Etat le définit n’est plus sanitaire ou sécuritaire /anti-terroriste ? Si cet ‘intérêt général’ est politique ou économique ? Si l’Etat / le législateur souhaite utiliser les mêmes leviers pour combattre une attaque terroriste ou une crise économique ou une opposition politique ?

Quelques idées pour financer les multiples transitions à faire aujourd’hui

Nous devons faire face aujourd’hui à de multiples transitions, pour ne pas dire de multiples reconstructions : transition climatique / écologique, transition énergétique, transition de modèle industriel et technologique, transition de modèle agricole, transition de modèle de mobilité, transition de modèle d’urbanisation, transition de modèle d’aménagement du territoire, etc., etc., etc…

Et il ne faut pas oublier la restauration et la reconstruction de tous nos services publics (y compris les régaliens) mis à mal depuis des années, si ce n’est depuis des décennies, par des mesures d’austérité et de rigueur sans cesse renouvelées et « approfondies ».

Mais comment les financer ?

.

La dette publique détenue par la BCE doit être annulée (ou transformée en dette perpétuelle) dans l’optique de permettre le financement d’investissements pour ces transitions et reconstructions.

Je ne vais pas reprendre ici le débat qui s’impose de plus en plus chez les économistes ni les multiples raisons qui militent en faveur de cette mesure.

Tout au plus puis-je rappeler que les économistes ‘orthodoxes’ appuyés par la grande majorité des gouvernants européens et des dirigeants des institutions monétaires et financières ne mettent en avant que des questions juridiques ou techniques pour expliquer leur opposition à cette mesure.

Ah ! N’oublions pas toutefois cette « comptine » servie comme un argument définitif appelant à clore tout débat et toute discussion : « si vous me prêtez 100 € et que je ne vous rembourse pas, vous ne ferez plus confiance ». Sous entendu, si on annule des dettes, les investisseurs ne feront plus confiance à la France et ne lui prêteront plus. Bien entendu, il n’est pas précisé que les dettes annulées ne seront pas celles que les investisseurs privés portent mais celles détenues par la Banque de France – dont le capital est détenu à 100% par l’Etat français, donc par les françaises et les français, donc par nous.

N’oublions pas non plus l’épouvantail du Frexit allègrement agité : « L’annulation de la dette détenue par la Banque centrale, ce n’est pas possible. Ça voudrait dire pour la France sortir de l’euro ».

Soyons clair et net ! Rien n’interdit d’annuler la dette publique détenue par la Banque de France pour la Banque Centrale Européenne. Il n’y a pas aucun obstacle juridique insurpassable à cette annulation, aucun obstacle technique qui ne puisse être résolu, aucun risque que les investisseurs refusent après de prêter aux pays européens…

Le seul obstacle qu’il y a, c’est l’absence de réelle volonté politique de le faire !

.

Une révision de la fiscalité en faisant en sorte qu’elle soit réellement progressive, est indispensable.

Une première étape doit indiscutablement consister à revenir sur les nombreux cadeaux consentis aux plus riches ces dernières années. On peut citer la suppression de l’ISF qui a ‘couté’ 4 milliards d’euros aux finances publics avec un retour fondé sur la fameuse et fumeuse ‘théorie du ruissellement’ et donc nul ; l’instauration du Prélèvement Forfaitaire Unique des dividendes – la ‘flat tax’ qui s’est substitué à la taxation selon le barème progressif de l’impôt sur les revenus et qui fait ‘économiser’ aux contribuables les plus riches plusieurs centaines de milliers d’euros d’impôts chaque année ; la réduction des niveaux de prélèvements sur les stock-options ; la suppression de la tranche de la taxe sur les salaires supérieurs à plus de 150 000 €/an appliquée dans les métiers de la finance… On peut aussi mentionner ici le refus d’un alourdissement temporaire de la Contribution exceptionnelle sur les plus hauts revenus (revenu fiscal de référence supérieure à 250 000 €).

Et, très certainement aussi, il faut remettre en question toutes les mesures élargissant les avantages fiscaux fait sur les placements financiers.

L’Institut Rousseau propose une réforme radicale de l’impôt sur le revenu des personnes physiques, l’impôt abc. Il n’est pas de mon propos de développer cette proposition à laquelle je souscris ; je vous invite à la consulter en suivant ce lien. Je me contenterai juste de préciser que cette réforme poursuit « le double objectif de rendre l’impôt plus lisible pour l’ensemble des citoyens, ainsi que d’alléger l’imposition des classes moyennes en le finançant par une imposition renforcée des plus aisés […]. La réforme […] vise ainsi à alléger l’imposition de tous ceux qui sont rémunérés moins de 6 000 euros par mois, d’accentuer légèrement l’imposition de ceux dont les revenus sont compris entre 6 et 10 000 euros et de les imposer plus fortement au-delà de 10 000 euros ». Elle souhaite aussi « (aligner) la fiscalité du travail et du capital ».

Mais il faut parallèlement revoir les contributions CSG et CRDS qui doivent devenir progressives. Cela est techniquement possible par la transmission par les services fiscaux, à l’image de ce qui est fait pour le prélèvement à la source, des taux de prélèvement CSG et CRDS à appliquer. Le système abc développé par l’Institut Rousseau pourrait être utilisé ici aussi.

On ne peut laisser de côté la fiscalité sur les successions qui doit aussi être revue, là aussi dans le sens d’une plus grande progressivité et, sans doute, en révisant à la hausse certains des seuils qui ont été fortement baissés ces dernières années.

Il faut enfin se pencher sur la fiscalité des entreprises où l’égalité face à l’impôt doit être recherchée ; une multinationale est moins imposée qu’une PME !

La lutte contre l’évasion et la fraude fiscales, autre signe indéniable de la recherche d’une plus grande justice fiscale, doit être une priorité. Dans ce contexte, la lutte contre les paradis fiscaux, y compris ceux qui font partie de l’Union Européenne, doit être menée sans faiblir.

.

Un prélèvement exceptionnel sur les hauts patrimoines doit être institué. Outre le fait que cela permettra de sortir au plus vite des perturbations dues à la pandémie du COVID 19, cela donnera des moyens conséquents pour engager les multiples transitions / reconstructions dont la France a besoin.

Ce type de disposition a été pris à plusieurs reprises et dans de nombreux pays. A l’issue de la 1ère Guerre Mondiale, de tels prélèvements ont été effectués en Italie, en Autriche, en Hongrie et en Tchécoslovaquie. Après la seconde Guerre Mondiale, ce sont la France (avec un impôt exceptionnel et progressif à la fois sur le capital et sur les enrichissements au cours de l’Occupation qui rapporta l’équivalent de 5% du PIB), l’Allemagne, l’Autriche, le Japon, la Belgique, la Norvège, le Danemark, le Luxembourg et les Pays-Bas qui y ont eu recours.

Après la crise financière de 2008, la Finlande, l’Irlande, Chypre ont prélevé de tels impôts. Le sujet a alors été largement discuté dans certaines institutions économiques et financières, le FMI et la Bundesbank notamment.

Et il y a quelques mois, l’Argentine a voté le principe d’un prélèvement unique sur les ménages possédant les plus gros patrimoines. L’argent récolté est parfaitement fléché vers notamment le financement des aides sociales, des PME, des étudiants et des services médicaux.

Et n’oublions surtout pas les mesures fiscales prises par Franklin D. Roosevelt dans le cadre du New Deal ! Le taux d’imposition marginal supérieur des revenus passa de 23% en 1932 à 63% en 1933 puis 79% en 1935 (il a atteint 94% les deux dernières années de la 2ème Guerre Mondiale). Il n’est sans doute pas inutile, plus largement, de rappeler que le taux applicable aux plus hauts revenus fut en moyenne de 81% entre 1932 et 1980, année précédant l’arrivée à la présidence de Ronald Reagan. Parallèlement, le taux supérieur de l’impôt fédéral sur les successions passa progressivement de 20% en 1932 à 70% en 1937. Sur la période 1932 – 1980, le taux moyen applicable aux plus hautes successions s’établissait à 75%. Des mesures de choc s’il en est !!!

.

Il convient d’amorcer au niveau européen une discussion sur le financement direct par la BCE de projets de transition climatique et énergétique de dimension européenne.

On peut donner comme exemple la construction d’un grand réseau européen de ferroutage ; avec des règles d’appels d’offres de type ‘Small Business Act’ et donc différentes de celles actuellement en vigueur qui, de facto, favorisent les grandes multinationales du BTP quand elles n’excluent pas carrément les PME et les ETI du secteur.

Ou le financement de grands programmes de recherches tant fondamentales qu’appliquées par des établissements publics ; et dont les résultats demeureront dans le domaine public, resteront des biens communs. Il ne faut pas retomber dans ce qui s’est passé pour les vaccins contre la Covid-19. Ce sont des deniers publics qui ont largement financé la recherche – tant par la participation d’institutions et d’universités que par des subventions et autres aides directes et indirectes – mais ce sont les laboratoires qui en possèdent seuls les droits de propriété intellectuelle et qui donc, pourront les ‘exploiter’ et en retirer seuls tous les bénéfices. Un magnifique exemple du néolibéralisme tel que beaucoup le rêve et tel que nos gouvernants le font : les financements sont publics mais les profits sont privés, ultra-privés, archi-privés !

.

Mais il faudra aussi œuvrer au niveau européen pour arriver au financement par la BCE de projets nationaux primordiaux, notamment ceux en relation avec l’urgence climatique.

Je pense en particulier à la rénovation thermique des bâtiments qui, outre son impact ‘écologique’, peut être à l’origine de la création de nombreux emplois sur tout le territoire.

On peut aussi mentionner la réhabilitation du train. Ce moyen de transport écologique et social doit en effet être privilégié, au besoin en ré-ouvrant des lignes fermées pour cause de, soi-disant, absence de rentabilité (on connaît tous ce bon prétexte !). Le recul de ce mode de déplacement a notablement contribué à l’enclavement de nombreux territoires. On doit ainsi viser un réseau dense de trains reliant les villes de France entre elles là où le TGV est absent ; ces liaisons (de jour et de nuit) – par qu’on appelait à un moment les ‘Trains Intercités’ – ont été progressivement abandonnés et doivent être relancées. Une densification de la circulation des TER est aussi à organiser. Et des investissements massifs dans le fret ferroviaire – dont la part dans le transport de marchandises ne cesse de décliner ces dernières années en France – sont à programmer rapidement.

Sur un autre plan, l’ouverture à la concurrence du transport ferroviaire, ce bien commun indispensable en termes d’aménagement du territoire et du fait de son importance dans la lutte contre le réchauffement climatique, doit être fortement interrogée.

.

On doit aussi envisager à terme une complète refonte des règles budgétaires européennes.

Je pense principalement aux deux ratios ‘déficit public sur PIB inférieur à 3%’ et ‘dettes sur PIB inférieurs à x%’ (nominalement 60% mais des voix commencent à cibler, tout du moins en France, 100%). Il faut être conscient que ces deux ratios n’ont absolument aucune justification économique et sont même absurdes quand on les observe de près. Mais ils constituent deux des piliers sur lesquels nos gouvernants successifs s’appuient pour justifier mesures d’austérité, budgets de rigueur, coupes dans les budgets – et corrélativement, privatisations – des services publics…

L’application de ces deux ratios a été suspendue dans le contexte des mesures d’urgence prises pour lutter contre la pandémie du SARS-CoV-2 et ses conséquences économiques et sociales. Suspendue et non supprimée !

Des voix de plus en plus nombreuses appellent un retour rapide – dès cette année voire en 2022 (comme par hasard après les élections présidentielles) – au strict respect de ces règles budgétaires. Et, faisant fi des dégâts subis et des pertes accumulées depuis un an dont on peut craindre qu’il faille longtemps pour les réparer, ces hérauts et ces zélotes du néolibéralisme souhaite un retour à l’austérité. Ceci en usant d’un verbiage camouflant leurs intentions sous les prétextes les plus beaux et les plus fallacieux. Il faut noter que le mot ‘austérité’ est soigneusement évité, quand il n’est pas nié ; ces partisans de l’ultralibéralisme lui préfèrent celui plus fallacieux mais d’apparence plus acceptable de « stabilisation des dépenses publiques ».

.

Ce catalogue de mesures – très certainement incomplet – est certes ambitieux. Mais nous sommes à un moment de notre histoire, et de l’histoire de l’humanité, où, justement, il faut être ambitieux.

Nous sommes à un moment où il faut être novateur et original. Et où il faut donc suivre d’autres voies que celles du néolibéralisme débridé et de la mondialisation effrénée qui nous ont conduit dans les impasses où nous sommes aujourd’hui.

.

.

.

.

PS : je vous invite, pour plus d’informations, à lire mon article du 4 décembre 2020 « Ce qu’il faut ? L’annulation de la dette publique détenue par la BCE et le financement direct par la BCE de ‘grands projets’ » ( lien ici ) et celui du 19 février 2021 « Ce sacro-saint ratio ‘Déficit public sur PIB inférieur à 3%’ est une invention française ! » ( lien là )

Ce sacro-saint ratio ‘Déficit public sur PIB inférieur à 3%’ est une invention française !

Le déficit budgétaire ne doit pas excéder 3% du PIB ! Ah ! Combien de mesures d’austérité, combien de budgets de rigueur, combien d’« économies » quand cela n’a pas été des coupes franches dans les budgets de tous les services publiques sans aucune exception, combien de privatisations, pardon, d’externalisation d’activités exercées par les administrations publiques n’ont-ils pas été fait au nom de ce ratio, de cette règle d’or, de ce Dieu devant lequel on doit s’incliner, auquel on doit obéir mais que l’on ne peut pas, que l’on ne doit pas questionner.

En raison des mesures d’urgence qui ont dû être prises du fait de l’épidémie du SARS-CoV-2, cette règle a été suspendue et les budgets des différents états européens ont largement ‘explosé’ cette limite de 3%. Mais elle n’a pas été annulée ! Et des voix de plus en plus nombreuses au Gouvernement et dans certains milieux économiques, financiers… s’élèvent pour un retour rapide (dès cette année ou ‘au pire’, en 2022) à une plus grande orthodoxie, au respect des règles budgétaires européennes, à la stricte application des règles du Pacte de stabilité et de croissance (PSC).

Et donc pour que le déficit public redescende sous le seuil des 3% du PIB. Et donc pour que de nouvelles et sans doute plus drastiques mesures d’austérité soient prises !

.

Il est tard en ce jour de l’été 1981. Une nuit pluvieuse vient de tomber sur Paris. Dans un petit bureau chichement éclairé du Palais du Louvre, deux hommes sont en plein conciliabule. Ils doivent satisfaire un ordre précis, une demande urgente ; et ils ne savent pas comment faire. Leur chef direct a été clair ; l’ordre vient du plus haut, peut-être même de FM lui-même. Mais ils ont beau se torturer les neurones, secouer en tous sens leurs méninges, envisager moult idées et concepts, rien ! Et tout à coup, la lumière jaillit ! … Le suspense est intolérable, n’est-ce pas ? Plus sérieusement !

A l’été 1981, après l’élection de François Mitterrand, les prévisions établissaient que le déficit budgétaire (on ne parlait pas alors de déficit public) pour 1982 allait dépasser le seuil symbolique de 100 milliards de francs, montant pharamineux par rapport au déficit de 30 milliards, en réalité 50 milliards, prévus pour l’année ! Et il fallait trouver quelque chose pour annoncer cela sans agiter aucun chiffon rouge.

Et oui ! Voilà comme est né le ratio « déficit public sur PIB doit être inférieur à 3% ». Il est né sur un coin de table, des cogitations (je n’ose dire de la masturbation cérébrale) de deux hauts fonctionnaires dans l’unique but d’une communication politicienne ! Il a été inventé ex nihilo, sans aucune étude ni aucun raisonnement économique, sans aucune analyse de sa pertinence. Il a été inventé en sachant pertinemment que l’on divise un déficit, c’est-à-dire une dette, qui est le solde entre les recettes et les dépenses de l’Etat sans tenir compte de leurs montants et de leurs compositions, par la richesse produite cette année-là ; ce qui revient en fait à diviser des choux par des carottes.

Dans les mois qui suivirent, dans le but aussi d’imposer la rigueur aux ministres socialistes et toujours dans une optique de communication aux niveaux national et international, ce ratio associé à ce seuil de 3% s’installe dans la communication gouvernementale comme un marqueur de la politique de ‘maîtrise des dépenses publiques’, terme plus politiquement correct que rigueur. Il est devenu une norme qui s’impose à tous, qui n’appelle pas de commentaire ou d’argumentation et qui, sous un vernis de technicité et d’expertise, ne nécessite aucune explication.

Quelques années après, lors des négociations du Traité de Maastricht en 1991 / 92, la France propose ce ratio comme une des règles de « discipline budgétaire », comme un des critères de qualification à la monnaie unique. Proposition acceptée ! Là aussi, sans aucune analyse économique.

Et toujours sans aucune réelle réflexion, sans la plus petite interrogation, sans qu’il soit fait référence à un quelconque argument de nature économique, tout simplement car il « était là », ce ratio devient en 1997 au travers du Pacte de Stabilité et de Croissance, la règle d’or que nous connaissons aujourd’hui.

.

A posteriori, pendant un temps, il a été tenté d’expliquer que ce seuil de 3% permettait d’éviter que la dette publique augmente l’année suivante. Les faits ont de nombreuses fois démontré, au sein même de la zone euro mais aussi dans d’autres pays, que cela ne se vérifiait pas.

Qu’à cela ne tienne ! Cette sacro-sainte norme qui n’a aucune justification économique et qui, dans sa construction, est absurde sert à imposer la rigueur budgétaire et ses désastreuses conséquences. Et cela depuis des années !

.

N’oublions pas son ratio jumeau : la dette publique (de l’Etat et des agences publiques) ne doit pas dépasser 60 % du PIB. Ce ratio n’a pas plus de fondement économique. Tout au plus la « croyance » qu’au-delà de ce seuil, le pays est en quasi faillite. Ce seuil a été porté à 90%.

Et aujourd’hui, alors que ce ratio avoisine les 120%, il sert d’ores et déjà à annoncer des mesures d’austérité avec l’objectif de la ramener à 100%. Toujours sans aucune justification économique ou financière du pourquoi de ce niveau ! Le seul argument : nous ne devons pas laisser cette dette publique à rembourser à nos enfants !

.

Aujourd’hui, nous sommes dans l’urgente obligation d’effectuer de multiples transitions (pour ne pas dire de multiples reconstructions) : transition écologique, transition énergétique, transition de modèle industriel, transition de modèle agricole, transition des modèles de mobilité, transition des modèles d’urbanisation, transition des modèles d’aménagement du territoire…

Ces vastes chantiers ne doivent pas être handicapés par des ratios datant d’une autre époque et n’ayant aucune justification économique.

Ces vastes chantiers ne doivent pas être pénalisés par des limites qui n’ont aucun sens économique, qui ne sont que des « croyances » et qui, surtout, ne sont que le prétexte et la justification de politiques d’austérité ; d’affaiblissement des états ; de privatisations de tous les services publics (y compris les services régaliens) ; de déréglementations financières, bancaires, monétaires, économiques, sociales, environnementales ; du sacrifice de l’environnement, de la nature, des biens communs au bénéfice d’une toute petite minorité ; du creusement des inégalités et de la destruction de la solidarité sociale, du lien social, de la Fraternité… .

Il faut que ces deux critères, suspendus pour un temps, soient supprimés !